Réaliser nos espoirs au niveau local


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En ces temps d’incertitudes, il est vital de montrer qu’il y a de l’espoir. En revenant à un niveau local, une véritable démocratie directe ou un système agricole construit par la collectivité peuvent être mis en place et ainsi enfin servir celle-ci.

Les problèmes et les crises actuels, en particulier la crise climatique, pourraient avoir de graves répercussions sur la planète et les êtres qui la peuplent. Les systèmes sociétaux et économiques dans lesquels nous sommes né.e.s et vivons actuellement ne donnent pas un cadre suffisant pour mener une vie consciente, libre et autodéterminée. De plus, ils ne sont clairement pas aptes à résoudre ces problèmes de manière durable. Que nous l’ayons voulu ou non, nous n’avons pas pu co-construire ces systèmes, ou seulement dans une mesure limitée. Il ne suffit pas seulement de les comprendre et de les critiquer, mais il est judicieux de faire un pas de plus et d’agir en développant des systèmes alternatifs de fonctionnement global de la société et dans différents domaines de celle-ci. En réponse aux problèmes sociaux et écologiques, un changement conséquent, de fond, est dès lors nécessaire.

L’alternative systémique par définition est un microsystème créé en dehors du système. Le but n’est pas obligatoirement révolutionnaire, mais une alternative ne peut pas être réellement alternative sans être en rupture avec un certain système. Ainsi, un modèle alternatif est d’essence contestataire et peut donc se baser en total opposition au système en créant quelque chose qui ne ressemble justement pas à ce dernier.

En revenant à un niveau local, il est possible de contester et court-circuiter ces systèmes toxiques en réorganisant les structures sociales, humaines et économiques proches des gens. Les processus de réflexions et de décisions concernant ces structures sont, localement, plus facilement appréhendables par les personnes concernées. Ces dernières ressentent directement les conséquences de leurs décisions et peuvent ainsi comprendre l’importance de vouloir se réapproprier collectivement et librement le pouvoir. En se basant sur ces réflexions, nous avons choisi d’explorer deux champs possibles d’alternatives à un niveau local : une alternative politique citoyenne et une alternative agricole.

Alternative politique citoyenne

La volonté de mettre en place une autre forme d’organisation sociale au niveau local a un objectif concret : celui de dissoudre l’incompréhension englobant aujourd’hui le terme “politique” et d’en redéfinir la signification réelle. Les questions sociales qui concernent toute la population devraient être abordées au niveau communal, par des processus de discussions et de prises de décisions incluant la population. Cela contraste avec la situation actuelle, où la plupart des réflexions et décisions politiques sont basées sur des décisions préalables prises à distance et réglementées par une bureaucratie qui ne peut pas être tenue responsable.

Le niveau local permet notamment de revenir à un aspect fondamental de la démocratie que l’on néglige dans le système actuel : les processus de délibération et de débat. La proximité géographique et humaine permet de se familiariser avec les autres acteur.rice.s du contexte dans lequel nous vivons, avec leurs intérêts et besoins et de trouver une solution commune. Lors d’un débat, il est possible de mettre à l’épreuve ses propres opinions et arguments. Les réflexions menant à de nouvelles et meilleures prises de positions peuvent être favorisées par de nouvelles connaissances et de nouveaux aspects apportés au débat. Le principal avantage de ce système local est que, finalement, le pouvoir décisionnel revient aux personnes touchées par ces décisions.

Concrètement, ce système pourrait fonctionner sur la base d’un processus consensuel avec des assemblées générales, des débats et des groupes de travail composés d’expert.e.s et des acteur.rice.s concerné.e.s. Dans certains cas, des confédérations régionales devraient être constituées avec des délégué.e.s élu.e.s venant des différentes communautés et pourvu.e.s de mandats spécifiques. Grâce aux principes d’inclusivité et de transparence, le processus serait véritablement entre les mains des citoyen.ne.s.

Alternative agricole

Il subsiste toujours une rupture entre le monde agricole et le reste de la société. En revenant à un niveau local et en augmentant le nombre d’actif.ve.s du secteur primaire, il est possible de diminuer ce fossé. Il est ainsi plus facile de retrouver une proximité géographique et humaine ainsi que de rendre des produits de bonne qualité accessibles à tou.te.s. Les différent.e.s acteur.rice.s peuvent également facilement renforcer et multiplier les liens entre elleux et promouvoir le partage d’outils et de connaissances.

Le modèle agricole industrielle productiviste mondialisé a fait son temps et a aujourd’hui largement prouvé ses nombreux travers et incohérences morales. L’effondrement de la biodiversité que nous connaissons actuellement est un réel problème. La mise en place de pratiques agricoles fondamentalement respectueuses de l’environnement et se passant des énergies fossiles est vitale. Il va falloir réduire drastiquement l’utilisation de produits phytosanitaires et assurer la promotion de la biodiversité dans les pratiques agricoles. Cela n’est concrètement possible qu’en réduisant la taille des fermes, en abandonnant la monoculture et l’élevage intensif et en employant plus de bras.

Pour permettre la mise en place d’alternatives de ce type, un premier pas important à faire est celui de réfléchir à la place qu’a actuellement l’agriculture dans nos vies. C’est en cultivant et en élevant des animaux que nous pouvons nous nourrir; comment a-t-on pu autant éloigné une activité aussi primordiale que la production de nos aliments de nos quotidiens ? Nous avons, dans la plupart des pays occidentaux, adopté un mode de vie hors-sol et il va désormais falloir réapprendre à produire sa nourriture. D’où l’importance de faire fleurir ça et là des micro-fermes agroécologiques productives à la campagne ou en ville, autogérées ou participatives, etc. C’est une manière de se réapproprier la terre et ses produits et surtout de repenser le lien qu’entretiennent les êtres humains par rapport à elle.

Passons au concret

Une alternative s’accompagne, dans tous les domaines, d’un retour aux fondamentaux. Ainsi, pour qu’une alternative locale fonctionne, la communauté doit avoir tous les outils en main et s’inspirer de la complexité et la résilience des écosystèmes; respectivement pour nos deux exemples. D’un point de vue stratégique, la mise en place d’alternatives concrètes et efficaces fait entièrement partie d’une vision de changement de système, qu’il soit révolutionnaire ou plus lent. Il est nécessaire de montrer qu’autre chose existe pour attiser et pérenniser l’espoir militant.

Paula Rouiller, 18, militante et étudiante

Oliviero Reusser, 22, militant

Analyse d’un mouvement historique


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Comment un mouvement atteint-il ses buts ? Cette question reste sans réponse. Mais nous pouvons nous inspirer de mouvements précédents en analysant leur évolution et leurs stratégies. Prenons en exemple le mouvement serbe Otpor. 

Otpor naît en 1998. A cette époque, la Serbie fait partie de la République Fédérale de Yougoslavie, touchée par les Guerres de Yougoslavie, débutées par le président Milosevic suite à la déclaration d’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. Milosevic est rapidement accusé de nombreux faits : crime de guerre en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, génocide et corruption. Suite à ces actes, différent.e.s acteur.ice.s se sont rendu compte de la situation et de la gravité d’avoir au pouvoir un homme tel que Milosevic. 

En 1998, Marjanovic fait passer un texte de lois polémique : “The University Law”, entravant l’autonomie de l’université de Belgrade. Et suite à cela, le mouvement populaire Otpor se forme en octobre 1998. Il est à ses débuts principalement composé de jeunes du parti démocrate, d’acteur.ice.s de certaines ONG actives en Serbie et d’étudiant.e.s des deux universités publiques de Belgrade.

La première revendication du groupe est la démission du doyen de l’université de Belgrade, accusé de relayer la politique répressive du régime. Par la suite, la première action d’Otpor attire l’attention. Quatre étudiants activistes peignent des poings noirs sur les murs de l’université. Suite à leur arrestation, ils sont condamnés à dix ans de prison. Cette sentence ne passe pas inaperçue aux yeux du public, qui la considère inappropriée. Après la révocation du doyen, le mouvement se propage dans l’ensemble du pays. Première victoire!

Les premières actions d’Otpor sont de type contestataire et ont pour but d’attirer l’attention. Les activistes partent par exemple dans la nuit « décorer » les murs de la ville de Belgrade de slogans tape-à-l’œil. Par la suite, leur méthode d’action se peaufine. Elle se base sur trois principes : l’unité d’action, qui se base sur une structure horizontale, assure l’égalité entre les activistes et donne l’image d’un organisme uni face au président serbe ; la discipline non-violente qui donne une image relativement positive au mouvement permettant d’élargir le champs de recrutement des membres et l’organisation des évènements se fait plus facilement ; une planification anticipée et efficace est un des points forts du mouvement.

La Déclaration sur l’avenir de la Serbie permet en premier lieu aux membres de se renseigner sur les méthodes à utiliser, sur les problèmes à résoudre et les buts à atteindre. La cohésion entre les membres est donc assurée et l’identité et les buts du mouvement – la démocratisation de la Serbie et renversement du gouvernement de Milosevic – sont clairement définis pour tou.te.s.

C’est grâce aux piliers présentés ci-dessous que les différentes stratégies du mouvement ont pu se développer :

Otpor adopte une approche offensive débutée par des actions symboliques, pour capter le regard de la population. Cette approche offensive correspond à l’organisation d’actions directes. Les activistes parviennent à mettre en place ces actions en définissant les différentes tâches à distribuer au niveau national, en mettant en place un plan d’action afin d’élargir le spectre des opposant.e.s au régime et en prenant en compte les propositions stratégiques des soutiens étrangers tout en gardant la possibilité d’adapter ces tactiques à leur situation. Grâce à cette méthode et en multipliant le nombre d’actions concrètes et claires, les acteur.trice.s serbes éparpillé.e.s se regroupent et se coordonnent face à la politique de Milosevic. Otpor fait comprendre à la population qu’un changement de pouvoir est inévitable.

Otpor a compris que la force est dans nombre et que la victoire contre Milosevic n’est possible que si ses opposant.e.s restent uni.e.s. Voilà pourquoi le mouvement veut premièrement collaborer avec un large éventail d’acteur.trice.s. En plus, afin d’élargir ses propres rangs, Otpor met en place des campagnes de popularisation, notamment celle de 1999 durant laquelle iels représentent sur des affiches des acteurs serbes connus avec le poing levé. La force était dans le nombre.

Otpor a notamment profité des élections présidentielles de 2000 en Serbie. La stratégie de ses membres peut se diviser en trois parties. De un, iels mettent à profit cette décrédibilisation du gouvernement de Milosevic pour mobiliser les citoyen.ne.s serbes. Par la suite, iels incitent la jeunesse serbe à voter. Cela reprend leur vision de force dans l’unité, l’opposition à Milosevic ne peut pas être divisée. Et pour finir, Otpor s’est assuré de mettre en évidence les erreurs majeures de la politique de Milosevic pour éviter de les réitérer dans les futures campagnes électorales.

Otpor a aussi beaucoup travaillé son image. D’un côté le mouvement offre une image positive afin d’amplifier le recrutement d’activistes et d’avoir le soutien de la population. Il se positionne en tant que victime face à l’autorité politique. Il la ridiculise même grâce à la discipline non-violente, comme le dit C. Miller [1] : « Ainsi, lorsque les enfants étaient arrêtés dans ces petites villes […], les gens savaient bien que les enfants du voisinage n’étaient pas des terroristes ». Avec cette image positive, Otpor peut offrir à la population l’image d’un mouvement fructueux. De plus, le mouvement met en place une campagne « négative » dans laquelle l’humour est utilisé pour souligner l’absurdité du régime. Cela permet de détendre l’atmosphère au sein du mouvement.

Le mouvement souhaite également développer un soutien externe. Otpor comprend un large panel d’individus hétéroclites et il a également obtenu le soutien de groupes et organisations externes au mouvement. Il est ici question de développement et d’ouverture. En effet, certaines victoires stratégiques d’Otpor ont été possibles grâce à l’aide d’acteur.trice.s extérieur.e.s, par exemple avec l’aide financière non négligeable des États-Unis ou encore avec la sollicitation d’institutions de sondage ainsi que d’agences de communication nationales et occidentales afin de parfaire leur communication (distribution de tracts, autocollants).

La stratégie de communication, fut surtout utilisée lors des élections. La première campagne consistait à faire comprendre au reste de la population que le changement de gouvernement est inévitable par des manifestations populaires. Ensuite, une deuxième campagne incitait la jeunesse à voter.

Le mouvement réussit à atteindre ses buts. Milosevic est renversé le 5 octobre 2000 avec son régime suite aux élections présidentielles, et la démocratisation de la Serbie débute lors de l’élection de Kostunica, du parti d’Opposition démocratique de Serbie. Mais quelles stratégies sont les plus efficaces?

En premier lieu, le fait de définir clairement les buts d’Otpor est un élément majeur. Non seulement le mouvement montre à la population sa volonté, mais aussi son évolution et ses avancées. Ensuite, Otpor réussit à partager au sein du mouvement les mêmes valeurs pour tou.te.s : unité, tolérance et non-violence. Cela permet de poser certaines règles. De plus, le fonctionnement du mouvement serbe se base sur la planification des actions et sur la répartition des différentes tâches, et toutes ces actions ont un but précis. Finalement, le mouvement s’inscrit dans la culture mainstream serbe pour le bien de sa popularité.

Suite aux élections en 2000, les actions et les membres du mouvement ont diminués. Otpor se donne tout de même comme rôle de surveiller la politique, et en particulier d’empêcher toute corruption. Après l’annonce des élections parlementaires du 23 décembre 2003, Otpor devient un parti politique le 19 novembre 2003, sans officiellement nommer quelqu’un à sa tête. Mais lors des élections, le parti politique n’obtient pas le minimum nécessaire de 5 % pour entrer au parlement. En 2004, Otpor prend fin et se fond entièrement au sein du Parti Démocratique serbe. Certain.e.s ont vu cela comme un échec pour le mouvement.

En plus de son rôle vital dans la chute de Milosevic, Otpor est également devenu une inspiration pour les autres mouvements jeunes en Europe de l’Est. En effet, les membres d’Otpor, formé.e.s en résistance civile, ont pu à leur tour former les membres de différents mouvements dans les pays voisins. Otpor s’inscrit aussi dans l’organisation et la planification de certaines révolutions du Printemps Arabe, par exemple en apportant son aide aux mouvements jeunes en Egypte.

Otpor est stratégique, efficace, clair, ouvert, non-violent et uni. Sa trajectoire est globalement positive et réussie. Même des années plus tard, ses activistes sont encore une inspiration pour d’autres. Et certaines questions restent sans réponses absolues : qu’en est-il de la fin d’Otpor et de sa transformation politique? Que faut-il penser du soutien financier des États-Unis? Comment laisser derrière soi un tel héritage et transmettre son savoir? 

Mila Frey, activiste

Colère et Affect


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Dans l’imaginaire commun et dans une parti de la philosophie, les affects ne sont pas politique, voir dangereuse. Pourtant, des penseurs comme Spinoza, Lordon ou encore Mouffe ont mis en évidence leurs rôles dans la lutte sociale et l’activisme politique.

Dans la conception commune, la politique et les affects sont antagonistes. Depuis la grèce antique à nos jours, il ne faut de la raison, encore de la raison et toujours de la raison et la société est sauvée. Ce discours, que l’on le retrouve parfois dans le mouvement social, a beau être hégémonique et prendre comme habit la vérité, il n’est pourtant pas si exact, on peut me dire qu’il est faux.
Il y a un autre discours, plus sournois, plus flatteur pour le coeur mais aussi plus dangereux, est celui prêché par les psychologues positivistes et les économistes du bonheur: Celui que seul les affects positifs sont nécessaires et reléguant la colère, la tristesse et les autres affects négatifs, au mieux, à de l’errance, au pire à de l’anomalie.  Il est nécessaire, pour qu’une mobilisation de masse se produisent, de déconstruire avec méthode ces positions.

Avant de commencer, il est nécessaire de comprendre et de définir les objets et les concepts dont l’on parle. Premièrement qu’est-ce qu’un affect? Je ne ferais pas ici de définition complexe et me contenterait de définir affect de la manière suivante: Un affect est une sensation qui affect le corps et l’esprit. Ceci étant dit, je vais pouvoir poser le postulat suivant: La raison n’existe que par détermination par un affect. Je comprendrais si des lecteurs arrivant ici se trouve choqué par ce postulat, pourtant, cela n’est pas une proposition nouvelle puisqu’elle apparaît déjà sous Spinoza et quel n’est pas dépourvu de fondement car, depuis un certain temps maintenant, la psychologie à montrer que notre capacité de jugement venait de nos affects et que, sans eux, on ne pourrait tout simplement pas prendre un rendez-vous ou on miserait l’ensemble de notre fortune sur une roulette de façon complètement aléatoire. Accepté cela amène à deux réflexions: Premièrement, que comme nous ne jugeons les choses que par nos affects, la politique n’est affaire et n’est que affect. Deuxièmement, que pour convaincre et mettre en mouvement une multitude il faut obligatoirement utilisez les affects de cette multitude.Certains s’interrogeront surement sur la raison de l’écriture de cette article, à son utilité dans le combat climatique et plus précisément comme stratégie. C’est très simple. Il m’a pu remarquer que, pour diverses raisons et sous différentes formes, que les militants de la cause climatique ont fait souvent les mauvais choix dans cet aspect

D’abord, il y a un certain nombres d’écologiste, d’hier et d’aujourd’hui, ont tenu comme principal discours qu’on peut qualifier sous l’appellation globale de “scientifique” ou de “technocratique” en espérant que celui-ci, par sa justesse, mette en mouvement les corps collectifs pour faire face à la catastrophe qui arrive. “On ne pleure pas devant les chiffres” disait l’Abbé Pierre avec une certain justesse. Car oui, on ne peut pas convaincre sans se servir de façon massive les affects, surtout dans le domaine politique et de la lutte et s’obstiner sur cette voix est ce condamné à l’impuissance. Pour reprendre une phrase écrire précédemment, la politique n’est affaire et n’est que affect.

Nous ne pouvons, si nous voulons être réellement efficient, avoir sur le monde avoir un réel impact, nous passer des affects et cela nous amène naturellement à nous s’interroger à savoir lequel de ces affects nous devons utiliser.
Les thunbergiens préconise la peur. Je considère ce choix comme inadéquat voir dangereux et je le développerais par le syllogisme suivant: La peur est l’affect de la fuite. Pour résoudre la crise climate, il nous faudra lutter contre un système. Donc, si nous voulons résoudre la crise climatique, il ne faut pas fuir. De plus, je ferais remarquer que les populiste de droite se servent de la peur aussi comme un moteur pour gagner en puissance, car, comme un enfant qui se cache derrière un de ses parents, un peuple en état de peur peut chercher à se réfugier derrière un leader autoritaire qui a l’apparence de la puissance nécessaire pour vaincre ce qui crée l’effroie, ce qui peut être une technique si on considère que seul une dictature verte est apte à faire face à la catastrophe qui vient, mais c’est partir sur un présupposé qui est hautement audacieux.

Une autre erreur serait de croire les bardes de la positivité car nous nous condamnons à l’impuissance puisque qu’il n’existe qu’un affect positif fondamental qui est la joie et qui ne s’exprime que lorsqu’il y a satisfaction. Or, comme pour la peur, on ne mène pas une lutte lorsque la situation nous satisfait. On ne manifeste pas collectivement quand nous sommes heureux du monde. On ne s’attaque pas à des institutions lorsqu’on a au ventre la joie et l’allégresse. Non, il n’y a qu’un affect qui peut et qui doit être utilisé si on veut réussir à vaincre la crise climatique, c’est la colère et pour une raison simple: La colère est l’affect que nous mobilisons lorsque nous voulons que notre corps se serve de sa puissance pour détruire l’objet de notre colère. Et les exemples historiques le montre, les révolutions ont toujours été des instants de colère, parfois très précise. La commune de Paris, en 1871, commence avec l’indignation de la capitulation face à la Prusse et la tentative de reprise des canons nationaux. La Révolution française de 1789 se fait dans un climat de rage contre les privilèges des nobles et du clergé. En Mai 68 et actuellement dans les insurrections qui éclate dans le monde, on peut lire la colère sur les visages, les banderoles et les slogans. Alors bien sur, la colère seul ne suffit pas, j’en suis le premier conscient. Il faut, avant toutes choses, réfléchir sur les raisons, les causes, l’origine de notre colère pour éviter d’attaquer les autres effets au risque d’être aussi inefficace que ceux qui espère voir refleurir leurs arbres en coupant les branches alors que ce sont les racines qui sont pourris ou la terre qui est devenue toxique. Et puis, il nous faut aussi préparer la suite, planifier et proposer de façon la plus précise et complète possible ce qui remplacera ce que nous aurons détruira et qui comblera notre désir qui est une société idéal sans pour autant se raconter des histoire sur les contradictions qui apparaîtra dans l’application.

Pour finir, j’ai dis qu’il fallait nous servir des affects, je préciserais qu’il faut le faire selon les modalités particulières de notre contexte socioculturel et donc faire tel que la catégorie spécifique dont l’essence même est de travailler avec les affects pour transmettre ou non un message: l’Art. En bref, cessons d’être scientifique, mais soyons artiste.

Maxence Kolly, Membre de la Grève du climat Fribourg et socialiste néo-républicain

Radical, pas libéral


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Occupation de banques, honte de prendre l’avion, zéro déchets, anticapitalisme – les représentations de la protection du climat sont nombreuses. « L’essentiel est que quelque chose soit fait pour le climat. » Loin s’en faut ! Cet article explique pourquoi les approches libérales sont toujours les mauvaises et pourquoi le principe de consensus empêche des mesures de protection du climat radicales et donc durables.

Le mouvement de la Grève du Climat a véritablement dominé le débat public l’année passée. L’immense résonnance dans la société s’est montrée à la manifestation pour le climat le 28 septembre à Berne, où 100’000 personnes ont exigé haut et fort une politique climatique progressiste et juste. Et c’est largement notre mouvement qui a permis le basculement historique des électeur.trice.s en direction d’une politique verte lors des élections parlementaires nationales le 20 octobre 2019.

La vague verte a profité notamment au parti vert’libéral (PVL). Dans le Conseil National, il a plus que doublé ses sièges en passant de 7 à 16. Les partisqui portent le vert dans leur nom ont massivement augmenté leur force. Cela a donc aussi engendré une grande attente de la population large envers l’assemblée fédérale : maintenant, des mesures de protection du climat concrètes devaient enfin être prises.

Mais le PVL montre régulièrement de quel côté il se trouve vraiment. Pour le deuxième tour du Conseil des Etats en novembre, le canton de Zurich avait le choix entre la verte Marionna Schlatter et le libéral Ruedi Noser. Et en décembre la situation était semblable pour l’élection du Conseil Fédéral, où la verte Regula Rytz s’était présentée contre Ignazio Cassis comme réponse aux nouveaux rapports de pouvoir dans le parlement. Dans les deux cas, le PVL a décidé de laisser la liberté de vote et a ensuite voté les candidats PLR avec une grande majorité. L’incapacité à chaque fois de recommander les candidates vertes au vote montre le vrai visage du PVL : le profit vient toujours en premier lieu, aucune trace de vert en vue. Sauf peut-être sur les affiches électorales.

Aussi dans les affaires politiques courantes le PVL se contredit régulièrement du point de vue de l’écologie. Dans la session d’hiver 2019, la majorité du parti a accepté le financement de nouveaux avions de chasse avec un budget de 6 milliards de francs. Deux membres du parti l’ont même fait malgré leur promesse électorale de voter contre les avions de chasse. Le fait que les avions militaires sont très nocifs pour l’environnement aussi bien dans la production que dans l’utilisation n’est finalement pas la raison principale qui devrait déclencher une indignation absolue chez tou.te.s les électeur.trice.s du PVL. C’est plutôt l’implication militaire qu’entraîne l’achat de nouveaux avions de chasse. L’aggravation de la crise climatique et les pénuries de ressources qui en découlent vont mener à une augmentation des conflits. Dans cette interaction entre la protection du climat et la politique de sécurité, le PVL construit sur des dépenses totalement exagérées pour des avions de chasse de luxe au lieu d’investir dans la lutte contre la crise climatique. Car la protection du climat est très simple – et très peu onéreux – quand les problèmes écologiques et sociaux ne sont pas pensés ensemble et que le principe du pollueur-payeur, pourtant applicable sur des personnes privées, ne l’est pas sur les gouvernements, les banques et les grandes entreprises.

Paradoxe vert libéral

Le regroupement idéologique des intérêts écologiques et économiques comme le fait le PVL est pervers dans le sens où l’on peut, encore aujourd’hui, faire des bénéfices immenses avec des affaires nocives pour le climat. Les institutions financières suisses auraient arrêté depuis longtemps d’investir dans des opérations pétrolières sales si ce n’était pas rentable économiquement. Dans un système économique capitaliste qui soumet chaque centimètre carré de notre planète à la monétisation, qui transforme finalement l’humain en marchandise et qui considère la politique climatique comme un débouché lucratif pour des certificats d’émissions, aucune mesure de protection du climat ne peut contrer durablement les problèmes écologiques et sociaux prédominants.

Ce point est ardemment débattu depuis des mois. Un capitalisme vert est-il vraiment impossible ? Ne pouvons-nous pas continuer à accroître notre prospérité et en même temps « faire quelque chose pour l’environnement » ? Ces questions doivent, au plus tard avec le renforcement du PVL, être répondues haut et fort par un « non ». Le parti, qui revendique justement ce regroupement des intérêts écologiques et économiques, ne peut pas faire autrement que de prioriser encore et encore les ambitions financières pour ne pas nuire à l’économie. Finalement, le blocage nominal du PVL lors des élections zurichoises du Conseil des Etats et des élections nationales du Conseil Fédéral est une preuve suffisante que des mesures de protection du climat ne sont simplement pas possible sous une logique de profit capitaliste. A cause de ses contradictions intrinsèques, le PVL ne va pas atteindre quoi que ce soit qui se rapproche d’une politique climatique durable dans les quatre prochaines années. On est soit libéral, soit vert. 

Mais quel rapport tout cela a-t-il avec notre mouvement ? Après tout, il règne à l’interne de la Grève du Climat un large accord que la politique institutionnelle ne nous livre pas les solutions à la crise climatique. D’aucuns argumentront que le calcul politique du PVL peut donc nous laisser froid. Mais cela nous touche plus que ce qui peut sembler à première vue. La question de savoir si la protection du climat peut être atteinte durablement aussi avec des approches libérales occupe notre mouvement dès son premier jour.

Les solutions libérales ne peuvent pas faire partie de notre mouvement. La conviction que des mesures de l’économie de marché sont suffisantes pour surmonter la crise climatique favorise la structure qui est justement la cause de cette crise. Les entreprises « durables » et « sociales » satisfont un nouveau besoin du marché de produits et services économes en ressources, pendant que les consommateur.trice.s sensibilisé.e.s et critiques sont anesthésié.e.s avec une bonne conscience. Mais ainsi nous ne nous sortons pas des structures axées sur le bénéfice, plutôt nous continuons à y rester bloqué.e.s. Les ébauches de solutions néolibérales – qu’elles soient labellisées durable ou non – ne doivent pas avoir de place dans notre mouvement, étant donné que la création de nouveaux marchés comme prétendue solution nie le fait que des processus de négociation politiques sont nécessaires pour remédier aux problèmes actuels.

Le consensus met notre but en danger

Avec une pensée imprégnée de libéralisme, la Grève du Climat s’affaiblit donc elle-même en tant que mouvement politique. Plus précisément, elle s’affaiblit lorsque les structures internes du mouvement le permettent. Dans la Grève du Climat, cette condition est toutefois apportée par le consensus comme mode de décision: avec le consensus, notre mouvement fonctionne de manière à ce que même la plus infime minorité puisse bloquer les décisions. Et comme il y a encore et toujours des courants libéraux dans la Grève du Climat, les mesures de protection du climat progressistes et sociales sont en danger voire même impossibles à l’heure actuelle. 

Le principe du consensus se base sur le principe du plus petit dénominateur commun. L’existence du changement climatique est bien sûr incontestée dans notre mouvement. Tout comme le fait qu’il est causé par l’humain. Et aussi, que c’est surtout les pays du Nord qui provoquent la crise climatique. Mais si on va un peu plus loin que cela, il devient déjà plus difficile de mettre tout le monde d’accord. Dans quelle mesure les inégalités sociales systémiques jouent-elles un rôle dans la crise climatique ? La question écologique est-elle aussi une question sociale ? Où posons-nous les limites du système pour le principe du pollueur-payeur ? Quelles synergies et modes d’action utilisons-nous pour notre contestation politique ? Et où agissons-nous concrètement si nous voulons combattre la crise climatique?

Ces questions sont donc controversées à l’intérieur de notre mouvement. Avec le principe du consensus, cela a inévitablement comme conséquence que nous n’arrivons à nous mettre d’accord que sur les questions et débuts de solution fondamentales – le plus petit dénominateur commun. Mais ces questions-là se laissent traditionnellement aussi résoudre par une vision libérale du monde. Des mesures plus radicales – donc des mesures qui s’attaquent à la racine du problème – n’ont pas de place dans ce mode de décision, étant donné qu’elles ne trouvent pas de consensus à cause d’une minorité libérale. C’est pour cela qu’il est par exemple impossible à ce jour que la Grève du Climat se solidarise officiellement avec les causes de la Grève des Femmes*. L’article « Die Klimastreikbewegung kann nicht nur alleine kämpfen » dans la dernière édition (02/2019) démontre pourquoi cela devrait être absolument central. Mais la condition pour un lien entre ces deux luttes est que la question écologique pose aussi la question sociale. Mais, comme cela impliquerait au final de remettre en question notre système économique capitaliste, la minorité libérale de notre mouvement s’oppose avec succès à cette fusion des luttes depuis des mois.

Le principe du consensus est donc – tout contre son intention première – par essence anti-démocratique. L’idée de vouloir éviter structurellement la discrimination de la minorité par la majorité est pourtant louable sur le fond, mais quand des personnes isolées peuvent bloquer tout le fonctionnement de notre mouvement hétérogène, comment des mesures de protection du climat progressistes peuvent-elles encore être élaborées ?

Radicalisation collective

Avec cela se résorbe d’elle-même l’argumentation courante qui dit qu’il importe peu quelle direction est prise pour la protection du climat, sociale ou non, libérale ou non – tant que « quelque chose est fait pour le climat ». Sous le principe du consensus, c’est une manière d’argumenter qui est fondamentalement fausse et même dangereuse. Nous devons enfin nous comprendre comme un mouvement authentiquement politique et prendre des positions claires. La crise climatique est un problème de toute la société et c’est pour cela que la solution doit également être pensée pour l’ensemble de la société. Pour que nous puissions vraiment et efficacement contribuer à cette solution, nous avons besoin, en tant que mouvement collectif, une stratégie claire, politique et radicale – tou.te.s ensembles. Le premier pas à cela doit être l’abolition du principe du consensus. Car tant que nous nous paralysons nous-mêmes avec le fétichisme de l’horizontalité, qui veut prendre en compte toutes les opinions sans avoir de regard critique, nous ne trouverons pas de réponse radicale à la crise climatique.

Rahel G., 26, and géographe et activiste de la Grève du Climat

Occupy Wall Street – Ce que la Grève du Climat peut apprendre


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La grève du climat a atteint un point critique: Quelle suite lui donner? Passées les premières retombées médiatiques, certaines stratégies continuent à fonctionner et d’autres non. Pour savoir lesquelles, intéressons-nous à un autre mouvement social: «Occupy Wall Street».

Le mouvement social Occupy Wall Street, mieux connu sous le nom d’Occupy, a été initié en septembre 2011. Les protestations ont été provoquée par l’occupation de la place Tahrir en Égypte durant le printemps arabe combiné avec un post sur le blog du groupe médiatique canadien Adbusters Media Foundation, un magazine sociocritique connu dans toute l’Amérique qui a lancé l’appel à l’occupation de Wall Street. La place Tahrir a Kairo a non seulement été occupée mais a aussi servi comme lieu de manifestation, ce qui lui a donné une signification unique pour ce mouvement social qui unit ces deux formes de protestations. Les manifestant.e.s ont installé un campement dans le parc Zucotti, afin de lutter pour la réduction des inégalités sociales entre pauvres et riches, pour un véritable contrôle de la finance et en faveur d’une politique indépendante de l’économie. L’occupation physique de ces lieus publique est devenue symbolique: ces endroits revêtant une grande importance économique sont devenus des lieu de rencontre, de convivialité et surtout d’égalité.

Occupy est soutenu par une large base, comme en témoigne le cris de guerre: “Nous sommes les 99 pourcents!”, de plus en plus visible et entendu(1). De violents incidents avec la police n’ont pas nuit au mouvement, au contraire, la solidarité entre les activistes n’a fait que s’accroître. Twitter a joué un rôle important pour exprimer leur frustration tout en informant le reste du monde de l’état des faits.

La couverture médiatique  a atteint son premier pic quand la police est intervenu durant une manifestation sur le pont de Brooklyn, des manifestant.e.s s’étant rendu.e.s sur la route. Des douzaines se sont fait arrêter, ce qui n’a fait qu’agrandir résistance et solidarité. Grâce aux réseaux sociaux, ce qui n’était au départ qu’un petit mouvement local américain a vite atteint une portée internationale.

À la suite de la crise économique de 2007, la critique envers multinationales a suscité une immense adhésion. L’hiver n’avait pas encore commencé que des manifestations s’étaient déroulées dans 82 pays et 911 villes sur les 5 continents.

Occupy avait développé une dynamique propre de grande ampleur, il a même gagné la sympathie de personnalité telle que Barack Obama. Mais ceci n’a pas empêché que le mouvement disparaisse aussi vite qu’il était arrivé. Des dernières poches ont encore subsisté dans certains pays jusqu’en 2014, mais Occupy avait déjà perdu son souffle en 2012. Il est clair que Occupy a été un succès médiatique. Mais que-ce qu’il a vraiment fait changer? La finance américaine n’a pas été réformée, le capitalisme mondiale est toujours aussi présent et l’injustice sociale et économique est plus grande que jamais. Ceci ne veut pas dire que les manifestations n’ont servi à rien. Beaucoup de mouvements “artisanaux” (même si de moindre ampleur) ont émergé grâce à Occupy, et même s’ils ne changent pas les choses au niveau mondial, ils le font à coup sûr au niveau local.

Le point faible de Occupy était que le mouvement n’a jamais eu de revendications concrètes. Il lui manquait un manifeste, un catalogue officiel. La critique était trop vague, trop générale, elle ne s’adressait à personne directement. Le mouvement n’était pas assez bien organisé. Que devons-nous donc en tirer pour mener un activisme durable, qui ne soit pas qu’un feu de paille? Un activisme qui ne s’éteigne pas, avant d’avoir atteint tous ces buts? Si nous comparons les deux mouvements tout en gardant en tête la situation actuelle, nous nous devons de nous poser la question: quand est-ce que le buzz médiatique surpasse le mouvement lui-même? La Grève du Climat est déjà bien plus de suiveu.r.se.s que Occupy ne l’a jamais été, mais il vaut toujours mieux apprendre de l’expérience des autres. Par exemple, les signes de mains utilisés dans la Grève du Climat pour une communication simple et efficace dans de grands groupes ont été inspirés par Occupy. Même le cours des manifestations de Occupy a été analysé durant les débuts du mouvement de la Grève du Climat pour avoir un point de référence. Mais maintenant que le mouvement a déjà pris de l’ampleur, nous nous trouvons à un autre stade. Nous savons quels effets peuvent avoir les manifestations, qu’elle vaste organisation est indispensable en coulisses. Il est temps de comparer le plan d’action de la grève du climat avec celui de Occupy afin d’éviter les stratégies qui ont été un échec et d’intégrer celles qui ont fonctionné(2).

Autant dans la Grève du Climat que dans Occupy, la meilleure manière d’atteindre un but donné à fait l’objet d’avis parfois contradictoire. Ceci ne fait qu’accentuer l’importance d’un objectif commun: chez Occupy, il s’agissait se débarrasser du capitalisme dans sa forme actuelle. La Grève du Climat a comme objectif de surmonter la crise climatique, ce qui implique aussi un changement de notre système économique. De tels buts sont gigantesques, ils remettent en question de nombreux aspects de nos vies et nécessitent une concertation au niveau mondiale. Ces facteurs rendent la chose difficile à envisager et à comprendre pour beaucoup, ce qui amplifie encore l’importance d’avoir des propositions et des revendications concrètes et de les communiquer de façon transparente. C’est là que Occupy a échoué. Aujourd’hui, neuf ans plus tard, nous disposons de réseaux sociaux nombreux et diversifiés qui nous permettent d’entrer en contacte avec énormément de personnes. Mais ça ne suffit pas. Il est primordial de continuer à faire monter la pression. Comme nos trois revendications n’ont pas encore abouti, l’élaboration du Plan d’Action Climatique est d’autant plus importante, afin de montrer par nous-mêmes ou la société doit agir(3).

Un autre point commun de ces deux mouvements, une vérité générale en fait, est que plus le nombre de gens actifs sur le terrain grandi, plus l’effet sur les médias et la politique s’accroît. Mais vu que les manifestations ne peuvent pas grandir en nombre à l’infini et que leur effet diminue au fur et à mesure que le temps passe, la grève du climat a besoin de nouvelles formes d’expressions. C’est ce qui a constitué le coup d’arrêt pour Occupy. Le mouvement n’a pas osé se mêler de politique institutionnelle, ni poursuivre par des actions de désobéissance civile non violente. De telle actions ont pourtant une puissance de rayonnement exceptionnel et revêtent, à ce titre, une importance décisive.

Quelle est, concrètement, la prochaine étape? Au lieu de l’entrain manquant de Occupy, ne serait-ce pas le manque de liberté dans notre système démocratique-capitaliste qui rendrait impossible tout action menant à l’atteinte de nos revendications?

Que pouvons-nous face au rouleau compresseur de l’État? Une option est de coopérer avec toutes celles et tous ceux qui ont des intérêts similaires et d’étendre la portée de notre mouvement de cette manière. Ce qui a suscité la solidarité avec Occupy, c’est d’une part le scandale public et d’autre part les atteintes à la morale. En fin de compte, ce sont les valeurs émotionnelles des individus qui sont décisifs, car ce sont ces derniers qui forment l’identité collective déterminant la direction prise par le mouvement. Comment pouvons-nous former une telle identité?

Il est essentiel de faire tendre toutes nos forces vers un but commun. C’est l’unique manière d’utiliser toutes nos ressources de la façon la plus efficiente possible. Il nous faut fixer le cap: un but concret. Pas de déviations. Dans le tourbillon des chats, de l’organisation des événements, des interviews à donner, des articles médiatiques (sans même parler de l’école, le travail, ami.e.s et familles), l’accent de la grève du climat a tendance à se déplacer vers des thématiques aussi intéressantes qu’importantes, mais qui ne nous amène nulle part pour l’instant. Pourtant, le potentiel est immense: La Grève du Climat a créé en un temps-record une plateforme pour des individus passionnés, possédant une motivation illimité pour atteindre leurs valeurs. Des discussion émerge, des actions s’ensuivent. Cependant, notre allure effrénée n’est pas le fruit du hasard: le temps presse. C’est ici qu’il nous convient de faire preuve de prudence. Dans le mouvement Occupy, l’immense vitesse avec laquelle le mouvement a démarré a aussi été l’une des causes de sa déchéance. Il lui manquait une place dans la société.

À gauche: Anja Gada, 18 ans, actuellement militante intérimaire, peut-être pour toujours

à droite: Flurin Tippmann, 19 ans, philosophe amateur, aime les documentaires animaliers et le rap

Recommandation de lecture


Auf Deutsch:

En français

In italiano:


Make Rojava Green Again, Internationalist commune of Rojava 

Lire en ligne: https://makerojavagreenagain.org/book/

Make Rojava Green Again ne concerne pas que la révolution kurde, mais constitue également une « introduction à l’idée d’écologie sociale ». Avec leurs mots, les auteurs dépeignent des images pleines d’espoir qui montrent pourquoi le capitalisme est à la racine du problème, pourquoi il est le plus grand obstacle à la libération des femmes, à l’écologie et à la démocratie radicale. Ils s’appuient sur le développement des relations d’humain à humain et entre l’humain et la nature. Le livre décrit de manière compréhensible la construction d’un monde plus juste en utilisant l’exemple concret du « Rojava ».

Leonie Traber, 18, activiste pour le climat, membre de la JS

Le Sabotage, Émile Pouget, 1911

[Disponible en français à l’adresse https://infokiosques.net/IMG/pdf/Le_sabotage_-_Emile_Pouget.pdf, d’après une édition de 1969; et en italien à l’adresse https://maldoror.noblogs.org/files/2014/11/Pouget-IlSabotaggio.pdf, Maldoror Press, 2014]

Émile Pouget, figure historique du syndicalisme français, présente dans ce court ouvrage divers types de ce qu’il appelle sabotage, c’est-à-dire la résistance des travailleurs et travailleuses ralentissant l’activité économique dans le cadre de la lutte contre le patronat ou, parfois, l’État. Il présente un historique du concept, contextualise le sabotage ouvrier face au sabotage capitaliste, détaille des cas concrets, traite des ressorts moraux derrière ces actions – notamment lorsque l’outil de travail est endommagé. Il présente également les limites de certaines actions, notamment lorsque la cible est mal choisie. Ce livre ouvre le champ des possibles et nous permet de profiter de l’expérience des mouvements passés.

Robin Augsburger, civiliste, bachelor en biologie et ethnologie. Actif dans les domaines de l’écologie, de la migration et du syndicalisme étudiant

Drawdown, Paul Hawken

Comme le dit le sous-titre, Drawndown est « le plan le plus complet jamais proposé pour inverser le cours du réchauffement climatique ». En fait, il rassemble les études d’environ deux cents scientifiques et les répartit par secteur : bâtiments et villes, énergie, alimentation, utilisation des sols… Pour chaque solution proposée, il donne si possible un exemple et indique plus ou moins combien elle coûtera et permettra d’économiser en dollars et combien, si elle est mise en œuvre, elle réduira l’impact environnemental. Ce volume traite clairement de questions spécifiques, il peut donc convenir aux experts à la recherche d’indices ou de solutions ainsi qu’aux simples curieux.

Rebecca Martinelli, 17 ans, scolarisée à la maison


Ma vision verte


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Le monde s’est créé lentement, oui, et il reste silencieux. Et maintenant seulement, les chenilles ont vraiment le temps de devenir des papillons. Arrêtez-vous simplement et respirez. Avant, la vie était comme un marathon, durant lequel nous devions courir toujours plus vite, la ligne d’arrivée jamais visible. Se lever, faire de l’argent, dormir, se lever, faire encore plus d’argent… mais nous ne pouvons pas aller toujours plus vite, sans courir à la faillite. Et maintenant nous nous arrêtons, et cela nous fait vachement du bien. Nous arrêtons les engrenages et regardons ce qui ne va pas avec cette machine.

Et si une fois je ne veux pas m’arrêter, alors je vais me balader à vélo. Sans devoir me faire de soucis et devoir me demander si le camion derrière moi me voit vraiment, parce que derrière moi il n’y a pas de camion, il n’y a depuis longtemps plus de trafic routier. Il en reste encore un peu pour les gens qui en ont vraiment besoin, mais la plupart se déplacent sur deux roues. Avant, lorsque je traversais le grand pont, je suffoquais presque à cause de l’odeur de toutes ces voitures – aujourd’hui, il n’y a plus qu’une légère odeur de rose dans l’air.

Petite fille, je me disais: quand je serai grande, j’aurai une maison à moi, avec un jardin. Mais maintenant je n’en ai plus besoin. Le petit appartement que je partage avec des ami.e.x.s me convient très bien. Je n’ai plus besoin de jardin, car ce qui servait autrefois de route est aujourd’hui un jardin pour tout le monde. Au lieu de goudron gris et sec, il y a maintenant une terre humide qui attend d’être plantée de tournesols. Mais pas seulement des fleurs: une grande partie de notre alimentation vient de là. La première fois que j’ai mangé une tomate du jardin, je n’en revenais pas – délicieux! Avant, je devais me décider au supermarché et entre différentes sortes de tomates, celles d’apparence parfaites, dodues, rouge vif, qui toutes n’avaient pas le moindre goût. Avoir le choix semblait être la seule chose importante – peu importe si le nombre de sortes correspondait au nombre de pays importateurs. Et peu importe si les gens devaient travailler beaucoup pour ne gagner que peu d’argent et qu’ainsi les prix paraissent bas. Pour beaucoup, partir en vacances voulait dire voler loin, très loin. Les gens attendaient ces vacances avec impatience, et les considéraient comme un symbole de statut social; plus on part loin, mieux c’est. Nous avons fait en sorte d’apporter la belle vie jusqu’ici, et maintenant plus loin n’est pas mieux.

Au loin, un panneau solaire scintille vers moi. L’immobilité a aussi comme conséquence que nous avons moins besoin d’énergie. L’énergie dont nous avons besoin est produite de manière décentralisée sur nos toits. Autrefois, lorsqu’on se promenait dans l’obscurité de la ville, des publicités braillaient partout. Aujourd’hui la lumière n’est allumée que lorsque c’est vraiment nécessaire, et je vois enfin les étoiles.
Le changement doit toujours être précédé d’un processus de réflexion. Un fossé se creuse entre les inégalités. Qui le creuse ? Comment combler cet écart ? Ceux qui émettent du CO2, qui conduisent à la crise, ne sont pas les plus touchés par les conséquences. Comment cela est-il possible ? Des questions que nous avons évité depuis bien trop longtemps. Et ça aussi, c’est quelque chose que nous avons appris dans notre nouvelle société: parler de nos problèmes. Et par là je ne veux pas dire que quelques vieux hommes blancs s’assoient ensemble à une table mais vraiment que tout le monde puisse être impliqué dans le processus de négociations. Les enfants et les jeunes, les étrangers, les femmes, tout le monde a son mot à dire. La crise climatique l’a très bien montré: ceux qui n’ont pas leur mot à dire sont souvent ceux qui sont les plus touchés.

En tant que société, nous devons réapprendre à apprécier les valeurs. Ce qu’est la nature: un environnement, qui interagit avec nous, et pas seulement une ressource, qui n’est là que pour que les humains la consomment. Que les femmes qui travaillent beaucoup plus doivent être récompensées en conséquence. Etre reconnaissants que nous nous en sortons si bien. Laisser tomber les évidences.

Continuer de pomper, de brûler, d’éjecter. Cela ne va pas, et ce n’était sûrement pas clair depuis le début. Nous travaillons moins, consommer moins, produisons moins, et pourtant nous ne perdons rien, nous ne faisons que gagner. Ce désir de croissance toujours plus importante avait pour effet secondaire d’exploiter l’homme et la nature: l’économie s’est développée, et en même temps l’humain et la nature se sont effondrés l’un dans l’autre. Cependant, je n’entendais qu’un seul mot lorsqu’il s’agissait de la protection du climat: renonciation. Je ne veux pas renoncer à ma voiture, à mon vol pour Dubai, à mon grand choix de produits à la Migros. Mais lorsque je regarde ce monde, et me dis que je dois revenir à l’ancien système, alors je pense aussi à ce mot: renonciation. Renoncer aux points communs, à la proximité avec la nature, à l’égalité. Et à une tomate qui ait vraiment un goût de tomate.

Lina Gisler, 19 ans, étudie les sciences de l’environnement

Le progrès a besoin de pionniers


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Est-ce notre rôle d’aller chercher chaque personne d’une manière politiquement neutre? Non! Le concept de pionnier.ère surmonte l’idée du « nous-avons-besoin-de-tous-les- mantras ». Il est temps de montrer la voie avec des positions et des idées claires, le progrès ne s’atteint pas au pas candencé.

Les connaissances sur la crise climatique provoquée par l’homme et les possibilités de changement ne sont pas seulement connues d’hier, mais existent depuis des décennies. Les négociations internationales ne sont pas non plus un phénomène nouveau. Le premier grand sommet environnemental s’est tenu à Rio en 1992, et depuis lors, des négociations ont lieu au niveau international. En décembre dernier, nous avons fêté le 25e anniversaire de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, et pourtant nous sommes aujourd’hui plus profondément en crise que jamais. L’impasse politique, qui face à la crise climatique équivaut à une course effrénée vers le gouffre, ne peut donc s’expliquer ni par un manque de sensibilisation ni par un manque de connaissance. Ce qui manquait, c’était la volonté de changer. Ce qui manquait, c’était le courage d’exiger le radical mais rationnel.

La rue comme catalyseur
Mais il y a un an, la chose décisive s’est produite : un mouvement décentralisé de la société civile et mis en réseau à l’échelle mondiale a émergé d’une impasse – et le changement se mit en marche. Les découvertes scientifiques ont été libérées de la tour d’ivoire et des revendications politiques en ont découlé. Des individus se sont unis dans la rue et ont exigé la reconnaissance de la crise climatique, des mesures efficaces et une justice climatique.

En très peu de temps, plus de personnes se sont mises en mouvement ensemble que dans les décennies précédentes. Ce changement de dynamique politique met en lumière une question : quel est le rôle du mouvement de la Grève du Climat dans la lutte mondiale contre l’exploitation des hommes, des animaux et de la nature, dans la lutte pour l’égalité et la liberté?

Nous essayerons d’approcher la réponse en établissant une classification et, sur cette base, en esquissant une stratégie, que nous, les auteurs, soumettons à la discussion. Tout d’abord, nous traiterons de la sphère politique en général.

Nous sommes la démocratie
Dans le langage courant, la politique est souvent assimilée à ce qui se passe au sein des parlements. Dans cette optique, le pouvoir de changement appartient uniquement à celleux qui gouvernent et font les lois. La possibilité et de ce fait la responsabilité de négocier les questions sociales n’est donc donnée qu’à une couche sélectionnée. La politique est bannie des salles poussiéreuses du Parlement. Cette compréhension est exprimée dans des déclarations telles que « La politique [institutionnelle] doit agir », « Vous devez faire confiance aux politicien.ne.s » ou « Faire grève est contre-productif. Vous devriez plutôt voter et donc participer à la démocratie ». Ce point de vue est non seulement très restreint, mais aussi dévastateur face à la crise climatique. Nous ne pouvons pas nous permettre de céder à ce malentendu sur la politique et la démocratie et continuer à compter uniquement sur nos représentant.e.s.

Par définition, la démocratie est la suprématie du peuple, et chaque citoyen.ne fait partie de la politique. La sphère d’influence politique de l’individu va bien au-delà du simple vote et des élections. Cette conception réduite de la politique est souvent présentée dans une perspective élitocratique afin de délégitimer d’autres formes de participation populaire en général. Un État constitutionnel démocratique suppose à juste titre un besoin élevé de révision et doit donc toujours être ouvert à des exigences normatives plus élevées. Ainsi, Thoreau soutient que l’instrument politique de la désobéissance civile vise à rendre la loi conforme à ce que dicte la conscience de chacun. La désobéissance civile est une composante indispensable d’une véritable démocratie, car seule cette forme de participation politique est capable de remettre fondamentalement en cause l’ordre existant. Nous devons les plus grandes réalisations sociales non pas aux politicien.ne.s mais aux mouvements sociaux. L’égalité des sexes ou l’abolition de l’esclavage n’ont pas été promues par les politicien.ne.s, mais par des manifestations dans les rues. La législation des parlementaires n’est pas une initiative de changement, mais une réaction. Les mouvements sociaux sont le catalyseur du changement [1].

Comment pouvons-nous, en tant que mouvement de la Grève du Climat, devenir le moteur du changement et comment pouvons-nous le rester ? Dans la suite, nous allons traiter de deux thèses : Tout d’abord, nous examinerons l’hypothèse selon laquelle un changement durable ne peut se produire qu’avec le soutien de l’ensemble de la population. Nous formulerons alors une antithèse à cette hypothèse.

Le progrès ne se fait pas au pas cadencé
« Pour tout changer, nous avons besoin de tout le monde ! » – Ce sont là des mots que beaucoup de personnes dans le milieu de la lutte contre le changement climatique ne manqueront pas d’utiliser lorsqu’il s’agira de déterminer notre rôle et comment nous devons agir en conséquence. Si nous avons besoin de tout le monde – on peut le déduire logiquement – nous ne devons pas scandaliser. Et c’est pourquoi certain.e.s affirment également que nous ne sommes « ni de gauche ni de droite » [2]. Ce que certain.e.s louent comme connaissance, nous le considérons comme une compréhension politique limitée, qui comporte le danger d’errer désespérément dans l’insignifiance.

Car cellui qui ne scandalise pas, n’a pas de pertinence à long terme. Si l’utopie d’aujourd’hui doit être la réalité de demain, nous ne devons jamais exiger le réalisme actuel. Une large approbation populaire immédiate ou l’absence de critique de la part du camp économique libéral est une indication claire que nos exigences ne vont pas assez loin. Surtout quand il ne s’agit pas d’une vie meilleure, mais de la survie de l’humanité, c’est fatal. Plus tard, nous aurons peut-être besoin d’une majorité, mais n’avons au départ pas besoin de l’approbation de tou.te.s!

Dans cet élan, nous devons également rejeter l’idée que nous pouvons convaincre chaque individu de la population individuellement. Les approches individualistes ne génèrent pas de pouvoir politique et ne permettent donc pas d’obtenir un changement social. De telles approches ne sont pas sans importance, mais elles devraient être développées par d’autres acteurs.rices sur le terrain-même que nous avons aplani. Il est important d’utiliser efficacement les ressources et surtout, d’assumer ce rôle dans le discours sociétal que seul nous, en tant que mouvement, pouvons tenir.

Finalement, l’exemple du mode de vie dont nous avons besoin n’est que d’une utilité limitée dans notre rôle. Nous ne pouvons pas vivre de manière durable dans une société basée sur l’exploitation et les combustibles fossiles. S’il était possible de vivre ainsi, nous n’aurions pas besoin de notre mouvement. De telles approches ne peuvent pas apporter de changement social car elles sous-estiment l’équilibre des intérêts et du pouvoir et ignorent l’omniprésence de l’idéologie néolibérale dans tous les aspects culturels. Car « la surprenante vitalité et l’apparente inévitabilité du capitalisme ne reposent pas sur sa résistance à la critique, mais sur son pouvoir d’auto-renouvellement, c’est-à-dire sur sa capacité à absorber les contre-projets critiques et les potentiels de protestation, à les transformer « de manière productive » et, par là même, à les [affaiblir] et les [paralyser] » [3].

Comme antithèse à l’idée du « nous-avons-besoin-de-tous-les-mantras » nous rédigerons ci dessous une proposition comme première phase d’une stratégie possible : le concept de pionnier.

La Grève du Climat dans le discours de la société
À la suite de la Grève du Climat, la question de la crise climatique est passée de la rue aux médias, de la politique institutionnelle au public. Nous façonnons le discours public depuis un an maintenant. Nos actions ont également modifié de manière significative l’environnement politique entourant la lutte contre la crise climatique. Qu’il s’agisse de mouvements de protestation civile tels que Collective Climate Justice, Extinction Rebellion, diverses ONG ou même les partis verts – ils ont pu bénéficier de notre élan ou se développer en interaction avec nous. C’est pourquoi nous ne pouvons pas considérer la Grève du Climat de manière isolée dans une analyse de la situation. Cela conduirait à une mauvaise appréciation de la situation et donc probablement aussi à une erreur de jugement. Une considération plus adéquate illustre la Grève du Climat dans une structure dynamique dans laquelle d’innombrables acteurs.rices interagissent les un.e.s avec les autres. Il s’agit de toutes les sciences, de la politique institutionnelle, des ONG, des groupes d’intérêt, des mouvements politiques extra-parlementaires et surtout des médias. Cette structure dans son ensemble forme le discours. Le discours au sens de Foucault est un « contexte de sens produit linguistiquement qui force une certaine idée, qui à son tour a et génère en même temps certaines structures de pouvoir et certains intérêts » [4]. Ces structures de pouvoir sont principalement générées par les conditions économiques et leurs élites.

Mais où se situe dans cette structure le mouvement de Grève pour le Climat ? Si nous examinons maintenant cette question, nous obtiendrons plus de clarté sur la tâche que pourrait représenter la Grève du Climat. Le concept pionnier suivant place donc la Grève du Climat au premier plan d’un discours sur le changement climatique dans l’ensemble de la société.

La grève du climat en pionnier

Le concept pionnier voit la Grève du Climat à la pointe d’un triangle qui inclut le discours de la société susmentionné. La large base est entraînée par la progression d’un sommet. Le modèle ne doit pas être compris comme une structure hiérarchique. Il reflète plutôt la position des différent.e.s acteurs.rices au sein du discours. Au sommet se trouve la résistance de la société civile. Elle est flanquée de courants révolutionnaires. Viennent ensuite la politique institutionnalisée, la science, les ONG, les médias et d’autres institutions. Ces acteurs.rices sont en échange constant entre elleux et avec la société civile.

Le mouvement de la Grève du Climat qui s’est formé il y a un an est venu compléter la pointe du triangle. Cela explique l’impact retentissant qui s’est fait sentir depuis un an maintenant. Le mouvement de la Grève du Climat, en tant que phénomène profondément ancré dans la société, est capable de relier les individus, autrefois pionnier.e.s isolé.e.s, et de former ainsi un sommet fermé.

Notre avancée consiste à introduire dans le discours des concepts, des idées et des demandes qui dépassent le domaine du réaliste, voire du concevable au départ, pour s’étendre ensuite dans le temps. Des revendications qui étaient auparavant discréditées en raison de leur radicalité peuvent maintenant germer dans le sillage des nôtres. Ce qui semblait autrefois radical est maintenant considéré comme plus réaliste par le grand public. Il est donc possible d’élargir l’espace du dire et du penser – c’est-à-dire la réalité. Les mouvements « s’efforcent de créer ces possibilités que celleux qui manœuvrent dans les limites du système ne peuvent pas imaginer. Cela vise à changer les conditions du débat et à créer une nouvelle référence pour ce qui est considéré comme politiquement faisable et opportun » [5]. Par exemple, l’appel de la Grève du Climat pour des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici 2030 dépassait le domaine du réaliste. L’initiative sur les glaciers, autrefois utopique, qui préconise un taux net d’émission de gaz à effet de serre nul d’ici 2050, est donc devenue une solution plus réaliste. En outre, en continuant à nous concentrer sur la question, nous avons pu faire passer la perception publique de notre demande nette zéro 2030 de radicale à rationnelle.

Il est donc important, d’une part, que nous ne considérions pas nos actions de manière isolée, mais en interaction avec divers mouvements et revendications progressistes. D’autre part, nous devons comprendre que cela ne peut se produire que si nous précédons la politique et la société, et non si nous espérons un large accord de leur part dès le départ. Et c’est pourquoi nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers, mais élargir continuellement l’espace du discours public. Le progrès ne se fait pas au pas cadencé, mais par le biais d’une avant-garde dont les autres peuvent suivre les traces.

Le concept de pionnier en action
Pour cela, il est nécessaire d’inscrire nos manifestations et nos grèves dans une stratégie qui va de l’avant et au-delà. Celles-ci doivent être plus fortement étayées par des contenus et intégrées dans un concept discursif. Dans la phase précédant la grève, une action provocatrice de désobéissance civile peut susciter l’attention des médias afin d’introduire un nouveau sujet dans le débat public. L’évènement majeur, point culminant de l’intérêt des médias, est le moment où la question doit être portée à la connaissance d’un public plus large. Pour pouvoir changer le discours social, nous devons l’influencer au-delà de la grève. Nous proposons donc ici de nous concentrer davantage sur les documents qui peuvent véhiculer un contenu meilleur et plus large. Des tracts ou des petits journaux doivent paraître à chaque grève et être distribués gratuitement, et les discours doivent être publiés sur Internet. De cette façon, le niveau affectif des rassemblements de masse sera mieux lié au niveau du contenu théorique. Car l’information des partisan.e.s de la Grève du Climat en particulier, mais aussi de toute la société civile, bien fondée et non filtrée par des médias allergiques au contenu, sera un élément central de notre succès.

Une main fermée en poing, l’autre tendue
La logique du concept pionnier de changement de discours va donc à l’encontre de l’affirmation selon laquelle toute la population doit être derrière nos revendications. Mais il est néanmoins important d’être conscient.e de l’importance de maintenir le lien avec les institutions qui suivent. Si nous voulons avoir un impact sur la société, nous devons rester en contact avec elles. La provocation progressive doit être complétée par un coup de pouce à la société. Si la Grève du Climat se radicalise trop rapidement, elle risque de devenir un autre mouvement révolutionnaire qui vivra dans l’ombre, en dehors de la société. Car « le vocabulaire classique, constitutif du discours de la critique de la société et du capitalisme – « révolution », « socialisme », « classe », « exploitation », « aliénation » etc. – est souvent discrédité et semble étrangement terne et usé, au mieux « bon pour les vitrines des musées historiques » (Schultheis 2006 : 128) ». Par conséquent, une « critique politiquement efficace de la société et du capitalisme doit prendre note des nouvelles manifestations du capitalisme et les présenter sous l’aspect de leur caractère changeant. Mais surtout, il doit combiner l’analyse scientifique avec les expériences des mouvements d’opposition et de protestation existants ». [6]

À ce stade, il convient de noter une fois de plus que le concept de pionnier n’est que la première phase de notre proposition de stratégie, qui est ensuite préparée et s’y intègre. Parce que d’autres phases seront nécessaires pour lutter contre la crise climatique. Parmi celles-ci, il est toutefois important d’anticiper certains éléments qui sont au cœur de la Grève pour l’Avenir et de la prochaine phase dans laquelle les différents mouvements sociaux doivent être liés : Notre tâche principale doit être le travail extra-parlementaire. Les élections du Conseil national, la COP25, etc. ont montré qu’une véritable démocratie ne peut être mise en œuvre qu’en dehors des institutions. Si nous voulons critiquer les structures et les conditions qui doivent être modifiées, si nous voulons mobiliser une majorité de personnes souffrant de la crise climatique contre le néolibéralisme et ses conditions antidémocratiques, nous ne pouvons pas éviter d’adopter une position politique et idéologique claire [7]. Car qui ne remue pas les choses n’a aucune pertinence. Qui ne se délimite pas, n’a pas de contours clairs. La crainte de la crise climatique et la volonté de l’éviter doivent l’emporter de loin sur la crainte de perdre la faveur d’une partie de la société par la polarisation. Sinon, nous avons déjà perdu. Si nous n’avons pas une position claire, si nous n’adoptons pas une position courageuse, la société ne le fera jamais. N’ayons pas peur de faire des pas en avant décisifs avec des positions et des idées claires !

César Anderegg, 27 ans, militant pour le climat à Zurich et Winterthur, membre du JUSO, étudiant en sciences politiques et économiques, poète de rue.

Linus Stampfli, 24 ans, militant pour le climat à Winterthur et à Zurich, non membre d’un parti politique, n’étudie pas à l’université mais dans la rue.

Information sur les sources

[1] Thoreau

[2] Mark Engler, Paul Engler. This is an uprising. How nonviolent revolt is shaping the twenty-first century. New York: Nation Books. 2016. 

[3] Replik einiger Klimastreikenden auf einen Artikel im Tagesanzeiger, in welchem der Klimastreik als links bezeichnet wurde. URL: https://www.tagesanzeiger.ch/schweiz/standard/wir-sind-weder-links-noch-rechts/story/16403156 (25.12.2019)

[4] Rolf Eickelpasch, Claudia Rademacher, Philipp Ramos Lobato. Metamorphosen des Kapitalismus – und seiner Kritik. Springer-Verlag. 2008. p.12.

[5] Michel Foucault. Die Ordnung des Diskurses [1972; dt. 1974]. Frankfurt a. M.: Fischer Taschenbuch. 1991.

[6] David Roberts. In: Mark Engler, Paul Engler. This is an uprising. How nonviolent revolt is shaping the twenty-first century. New York: Nation Books. 2016. p. 112. [übersetzt aus dem Englischen]

[7] Rolf Eickelpasch, Claudia Rademacher, Philipp Ramos Lobato. Metamorphosen des Kapitalismus – und seiner Kritik. Springer-Verlag. 2008. p. 9/10.

[8]  Steve Jones. Antonio Gramsci. Routledge. 2006.

Pourquoi nous devons parfois enfreindre la loi


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Les actions directes non violentes (ADNV) et la désobéissance civile sont des formes d’action étroitement liées dont notre mouvement se nourrit. Elles ne sont pas sans controverse, mais dans quelle mesure peuvent-elles continuer à nous être utiles et quel rôle y joue-t-elle la violence?

La désobéissance civile présuppose l’acceptation de base d’un État ou gouvernement ; elle ne se réfère qu’à certains règlements ou lois que les militants jugent injustes. Par conséquent, ces personnes n’agissent pas égoïstement, mais souhaitent travailler pour le bien commun [1]. Afin de souligner l’urgence de la mise en œuvre, la violation intentionnelle de la norme juridique est mise en avant. L’ADNV signifie une intervention subite de personnes dans des contextes politiques par le biais d’actions directes sans violence [2]. Une action directe peut être dirigée contre l’État ou une autre institution. Elle vise principalement à attirer l’attention du public et à dramatiser le conflit jusqu’à ce que ce conflit ainsi que l’incompétence du système en place à le résoudre ne puissent plus être ignorés [3].

Notre forme de grève en est l’exemple le plus marquant, mais il existe d’autres formes d’ADNV et de désobéissance civile. Dans le passé, des ronds-points, des entrées de banque et des terminaux de jets privés ont été bloqués ; des militant*es de la grève du climat ont protesté dans la salle du Conseil National lors d’une séance pour attirer l’attention sur l’urgence de la crise climatique, et au Parlement Fédéral, le groupe Extinction Rebellion s’est mis dans un « bain de sang » symbolique. Toutes ces actions ont comme trait commun de provoquer et d’attirer l’attention, et les médias s’y précipitent avec joie. Des actions de ce type attirent les regards des passants qui s’arrêtent, qui prennent des photos, posent des questions. De cette façon, nous pouvons nous rapprocher de notre objectif : En sensibilisant le grand public à ce sujet et en déclenchant ainsi un changement. Si les gens sont affectés dans leur vie quotidienne par le fait de ne pas pouvoir se rendre au travail ou de monter à bord de leur avion, le sujet est alors transféré au niveau personnel. Cette mesure vise à ce que chacun*e se résolveude à faire face au sujet de façon intense.

Cependant, certaines actions provoquent également ennui ou colère chez des personnes concernées. Cela peut être sous-optimal pour notre mouvement dans la mesure où il est perçu comme négatif par les alliés potentiels. Toutefois, il est important de souligner que les désagréments causés par les blocus ou des actions similaires n’ont aucune importance en comparaison à ce qui se produira certainement à l’avenir – si l’on n’agit pas immédiatement en fonction de l’urgence écologique dans laquelle nous nous trouvons.

Mais il ne s’agit pas seulement d’individus. Il s’agit également du fait que l’occupation des institutions publiques exerce une pression à grande échelle sur le gouvernement. Le facteur décisif pour beaucoup de gens est que les militant*es agissent toujours sans violence. Si les choses ne se passaient plus de manière pacifique, non seulement la police aurait des raisons de prendre des mesures drastiques contre les protestations, mais aussi l’image de la grève du climat serait sérieusement endommagée. Souvent, la désobéissance civile est également définie comme absolument non violente, en raison du mot « civil » dans ce terme – civilisé comme synonyme de non-violent. Ici, cependant, une différenciation est nécessaire, car la violence est un terme extrêmement large. Il ne fait aucun doute que la violence dégénérative, incontrôlée et arbitraire ne fait pas partie d’un acte de désobéissance civile. Mais la violence délibérément utilisée de manière symbolique à petite échelle, par exemple des dégâts causés à la façade d’une banque, est-elle d’office et toujours « mauvaise » [4] ?

Même sans violence, l’ADNV et la désobéissance civile sont souvent critiquées : L’État de droit serait jeté par-dessus bord, les actions sont dites de plus en plus extrêmes. Mais ce n’est pas parce qu’une action enfreint la loi qu’elle est nécessairement moralement repréhensible. Exemple par excellence : Rosa Parks, qui avait également été classée comme illégale. Elle avait refusée de céder sa place à une personne blanche dans un bus – et a été arrêtée [5]. L’action de Rosa Parks, bien qu’illégale, est célébrée comme héroïque, car le mouvement des droits civiques a contribué de manière significative à améliorer la situation d’injustice légalement légitimée. Bien sûr, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation quelque peu différente, mais le principe peut sans doute être transféré. On a le droit d’enfreindre la loi pour obtenir quelque chose de bien. Cela soulève la question de savoir comment on définit le « bien ». Dans notre cas, cependant, il ne s’agit pas d’une question subjective et de discuter si le sujet est suffisamment grave pour légitimer la violation de la loi. Il s’agit de connaissances scientifiques, il s’agit de survie. Si vous ne vous battez pas pour cela, alors pour quoi vous battrez-vous ? Bertolt Brecht est censé avoir dit : Quand l’injustice devient loi, la résistance devient un devoir. Une personne satisfaite ne prend pas des mesures aussi drastiques et sera même prête à être arrêtée. La désobéissance civile est un acte de désespoir – et nous sommes désespérés.

Fatima Arslantas, 17 ans, écolière cantonale, impliquée dans la grève du climat en Argovie. Membre d’aucun parti.

Sources:

[1] https://www.br.de/nachrichten/kultur/wie-legitim-ist-der-zivile-ungehorsam-der-klima-aktivisten,RfXIl0k / consulté le 23.12.2019.

[2] https://de.wikipedia.org/wiki/Direkte_Aktion / consulté le 8.12.2019.

[3] https://www.lebenshaus-alb.de/magazin/011382.html / consulté le 22.12.2019.

[4] http://cw.routledge.com/textbooks/alevelphilosophy/data/AS/WhyShouldIBeGoverned/Civildisobedience.pdf / consulté le 22.12.2019.

[5] https://www.britannica.com/biography/Rosa-Parks / consulté le 9.12.2019.

Justice climatique


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Traduction en français


Qu’est-ce que la justice climatique? Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Pourquoi est-ce l’une des trois revendications de la Grève du Climat? Ce sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cet article.

La justice, dans le “Vocabulario Treccani”, est définie comme « une vertu éminemment sociale qui consiste en la volonté de reconnaître et de respecter les droits d’autrui en attribuant à chacun ce qui lui est dû selon la raison et la loi »[1]. La définition du climat est quant à elle la suivante : « ensemble des conditions météorologiques qui caractérisent un lieu ou une région au cours de l’année, et qui s’échelonnent sur une longue période » [2].  Il peut sembler étrange d’associer ces deux termes apparemment si éloignés l’un de l’autre : le premier est une création purement humaine, le second un mécanisme indépendant de l’existence de l’humanité. Pourtant, leur combinaison donne naissance à un nouveau concept, dont la signification est loin d’être évidente. Dans cet article, nous allons tenter d’expliquer le terme de justice climatique et ses implications, en nous référant au contexte actuel, afin de comprendre pourquoi la Grève du Climat Suisse tient à ce principe et ce qu’elle revendique plus précisément.

Pourquoi le terme « justice climatique » a-t-il été inventé ?

Le terme de justice climatique découle de la reconnaissance du fait que le changement climatique a un effet non seulement sur les écosystèmes, mais aussi sur la vie humaine, en particulier sur les droits humains et les écarts socio-économiques. En effet, ceux qui profitent du système actuel et qui contribuent le plus à la destruction climatique ne font généralement pas partie de celles et ceux qui en subissent et en subiront les conséquences. Le dérèglement climatique exacerbe les inégalités existantes et en crée de nouvelles. La justice climatique nous oblige à nous demander qui est à l’origine de ces crises, qui en est et sera le plus affecté et, à partir de là, à déterminer quelles sont les responsabilités qui en découlent. Ce faisant, il est reconnu que la crise climatique n’est pas seulement un problème environnemental, mais aussi une question éthique, politique et sociale. 

Comme évoqué, le dérèglement climatique exacerbe les injustices existantes et en crée de nouvelles. Cela se produit principalement dans trois dimensions : la dimension temporelle, la dimension sociale et la dimension spatiale [3].

La dimension temporelle. Cette dimension souligne une injustice intergénérationnelle. Les principaux responsables de la crise climatique, c’est-à-dire les générations qui ont habité la Terre depuis l’industrialisation jusqu’à la génération adulte actuelle, n’en subiront pas les conséquences. L’inertie des générations qui ont su mais n’ont rien fait condamnera les générations futures à porter le fardeau d’un problème auquel elles n’ont pas contribué. Plus on met de temps pour agir, plus les conséquences auxquelles nous, les jeunes, et surtout les générations futures, devrons faire face, seront graves. C’est pourquoi une action immédiate est nécessaire.

La dimension spatiale. Différentes régions du monde sont responsables du changement climatique à des degrés divers et en subiront les conséquences avec une intensité différente. En général, ce sont celles et ceux qui ont le moins contribué à l’aggravation du dérèglement climatique qui en souffriront le plus. Les exemples sont innombrables : les atolls océaniques seront bientôt submergés par la mer en Inde, et les vagues de chaleur mortelles et la pénurie d’eau déjà connues ces dernières années ne vont faire qu’empirer. L’Afrique subsaharienne est également un bon exemple, car les terres y sont de plus en plus arides et stériles et obligent les habitant-e-s de la région à migrer [6]. La question de la migration est l’un des plus importants défis auxquels notre société est confrontée aujourd’hui et son poids ne fera qu’augmenter : on estime que le dérèglement climatique engendrera entre 120 millions et deux milliards de migrant-e-s [7]. 

La dimension sociale. Cette dimension met en évidence la manière dont les écarts socio-économiques déjà existants, combinés au dérèglement climatique, vont encore se creuser. Les principaux responsables de la crise dans laquelle nous nous trouvons sont très souvent ceux qui ont le plus de ressources pour y faire face ; au contraire, les populations déjà défavorisées sur le plan socio-économique n’ont pas les moyens d’y faire face.

Chacun de ces points met en évidence l’aspect central du dérèglement climatique qui motive la justice climatique : les responsables ne sont pas encore touchés par les conséquences désastreuses de la crise, qui se font déjà subir par les plus précaires.

Que signifie la justice climatique ? 

La justice climatique est l’exigence que les politiques et les projets de lutte contre le dérèglement climatique comprennent des actions conformes au principe de traiter chaque personne de manière équitable et non discriminatoire [4]. Cette définition donne une idée de ce qu’est la justice climatique, mais reste très vague et abstraite. Pour mieux comprendre ce qu’implique réellement la justice climatique, nous allons explorer les principes sur lesquels elle repose [5]. 

Respect et protection des droits humains fondamentaux. Les droits fondamentaux ont fait l’objet d’un accord international et fournissent une base juridique claire à laquelle il convient de se référer pour formuler des réponses au dérèglement climatique qui soient éthiques, ancrées dans l’égalité, la justice et le respect de la dignité. 

Soutien au droit au développement. L’existence d’énormes écarts socio-économiques entre les pays du Nord et du Sud, ainsi qu’au sein des différents États, est considérée comme l’une des plus grandes injustices de la société actuelle. L’échec d’une distribution équitable des ressources empêche des milliards d’êtres humains de mener une vie digne. Le dérèglement climatique creuse les écarts, mais offre également l’occasion de choisir un nouveau paradigme de développement durable et respectueux. Le soutien aux personnes les plus pauvres afin qu’elles puissent participer activement à l’effort collectif d’atténuation et d’adaptation au dérèglement climatique devrait constituer une partie majeure de tout nouveau programme. 

Partage équitable des avantages et des charges liés au changement climatique. Il est nécessaire de reconnaître que les responsabilités en matière de dérèglement climatique sont communes mais différenciées (chacun a sa part de responsabilité, mais elles ne sont pas égales les unes aux autres) et que la capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre varie d’un pays à l’autre, en fonction des ressources dont disposent les pays. Selon ce principe, ceux qui sont les plus responsables des émissions de gaz à effet de serre et qui ont le plus de moyens d’agir devraient être les premiers à réduire leurs émissions. Ceux qui ont le plus bénéficié et continuent de bénéficier des émissions, en termes de croissance et d’enrichissements économiques, ont le devoir moral de partager ces bénéfices avec celles et ceux qui souffrent des conséquences de ces émissions. Les habitant-e-s des pays à faible revenu doivent avoir la possibilité de s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique et d’adopter un développement ayant un faible impact sur l’environnement.

Des décisions participatives, transparentes et responsables. La possibilité de participer à des processus décisionnels équitables, responsables, ouverts et exempts de corruption est cruciale. Les politiques dans ce domaine doivent être à l’écoute des personnes les plus vulnérables au dérèglement climatique, afin que leurs besoins puissent être correctement compris et pris en compte.

L’égalité et l’équité entre les sexes. Les femmes sont victimes d’injustices en raison des rôles de genre et des structures sociales patriarcales, qui sont souvent exacerbées par la crise climatique. Cela est particulièrement évident dans les régions rurales du Sud. Ici, les femmes ont généralement un statut social inférieur et moins de pouvoir politique et économique que les hommes. En outre, dans les pays du Sud, les femmes jouent souvent un rôle important dans l’agriculture et sont généralement plus touchées par la pauvreté. Cela les rend également plus exposées aux changements climatiques. Dans de nombreux pays, elles sont en première ligne à devoir vivre avec les injustices causées par le changement climatique, afin de pouvoir contribuer activement à apporter des changements au sein de leurs propres communautés. La voix des femmes doit donc être entendue et soutenue. [3]

Le pouvoir de transformation de l’éducation. Il est important que le pouvoir de transformation de l’éducation soit correctement utilisé, afin de modifier les normes culturelles et de favoriser l’adoption des principes susmentionnés et, par conséquent, celui de la justice climatique. Des changements radicaux dans les modes de vie et les comportements sont nécessaires. L’éducation a le pouvoir de doter les générations futures des compétences et des connaissances dont elles auront besoin pour survivre et prospérer. 

Des collaborations efficaces. Afin de limiter les dommages causés par le dérèglement climatique, des mesures doivent être prises tant au sein des différents États qu’au niveau international. C’est pourquoi la justice climatique exige que les ressources et les compétences soient partagées à l’échelle mondiale afin qu’une action coordonnée et efficace puisse être menée. Les collaborations internationales ont donc un rôle clé à jouer pour remédier au dérèglement climatique. 

Malheureusement, l’adoption de ces principes exige de surmonter les logiques d’égocentrisme et d’avidité qui caractérisent le paysage politique mondial actuel et qui font échouer toute tentative de limiter les dégâts causés par le changement climatique. L’humanité est dans un train qui se dirige à une vitesse folle vers un précipice, les voix des jeunes de toute la planète s’élèvent pour tirer le frein d’urgence : écoutons-les !

Pourquoi la justice climatique est-elle une revendication de la Grève du Climat ?

Il n’est pas facile d’établir des relations claires entre les causes et les effets du dérèglement climatique et, dans un système mondial aussi complexe, le principe du « pollueur-payeur » peut rarement être appliqué avec succès [3]. Cependant, la Grève du Climat s’efforce de créer un système qui non seulement puisse résoudre les problèmes de la crise climatique mais qui agisse aussi de manière juste et morale, un système qui combine le respect des personnes et le respect de la nature. Cela nécessite des lignes directrices et des règles précises pour limiter les écarts et compenser les injustices. C’est exactement ce qu’est la justice climatique. Plus qu’un objectif statique à atteindre, il décrit une méthodologie permettant d’aborder la résolution du dérèglement climatique. Un processus qui respecte la justice climatique est un processus qui tient compte des droits fondamentaux, qui soutient les plus précarisé-e-s et prend des décisions transparentes. C’est pourquoi, avec la neutralité carbone d’ici 2030 et la déclaration d’urgence climatique, la Grève du Climat Suisse appelle les autorités suisses à poursuivre le développement de leur politique environnementale en accord avec le principe de justice climatique. En outre, les autorités étant élues, chacun-e d’entre nous devrait porter la voix de ces exigences. 

Que fait-on pour y parvenir ?

(Presque) tous les États du monde ont enfin pris conscience du dérèglement climatique, et les initiatives des Nations Unies et du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, l’organe des Nations Unies pour l’analyse et l’évaluation du changement climatique) qui ont conduit à l’Accord de Paris et aux différentes conférences internationales (COP) tentent d’apporter une réponse globale à l’injustice climatique. Mais aujourd’hui même (15 décembre 2019), il y a eu un revers : la COP25 s’est terminée sans qu’un seul accord ait été trouvé sur l’un des articles clés de l’Accord de Paris. Les intérêts de l’industrie fossile ont prévalu sur la pression scientifique et des activistes, qui exigeaient que des plans plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient approuvés lors de la conférence. Antonio Gutierrez, secrétaire général des Nations Unies, ainsi que Greta Thumberg, Greenpeace et d’autres associations environnementales, sont extrêmement déçu-e-s des résultats de la conférence. M. Gutierrez a déclaré : « La communauté internationale a manqué une occasion importante de faire preuve de plus d’ambition en matière d’atténuation, d’adaptation et de financement pour lutter contre la crise climatique. Mais nous ne devons pas abandonner »[8]. 

La science nous montre que les solutions existent: ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique de les mettre en œuvre, en raison des énormes intérêts économiques en jeu et de l’engagement nécessaire pour provoquer un changement radical du système. Par conséquent, il est essentiel que les citoyennes et citoyens du monde entier descendent dans les rues, uni-e-s, et fassent entendre leur voix, en demandant de ne fermer les yeux ni sur la crise climatique, ni sur les injustices.

Ismea Guidotti, 19 ans, étudiante en relations internationales, membre de la grève du climat

Matilda Sangiorgio, 19 ans, étudiante en relations internationales

Massimo Chiaia, 48 ans, ingénieur en informatique, membre de Parents for the Climate

References:

[1] Vocabolario Treccani (n.d.). Giustizia. http://www.treccani.it/vocabolario/giustizia/

[2] Vocabolario Treccani (n.d.). Clima. http://www.treccani.it/vocabolario/clima1/

[3] Arlati, Michèle et al. Ein umfassendes Problem: die Klimakrise ist eine soziale Krise [Un problema globale: la crisi climatica è una crisi sociale]. In: netto.null. Maggio 2019. PP. 34-37.

[4] Bartholomew, Shannon. What does climate justice mean to you? In: HuffPost. Dicembre 2017. https://www.huffpost.com/entry/what-does-climate-justice_b_8745372 (Traduzione propria)

[5] Mary Robinson Foundation – Climate Justice. Principles of Climate Justice. Luglio 2011. https://www.mrfcj.org/principles-of-climate-justice/

[6] Cinini, Giancarlo. I migranti del clima dal Sahel all’Italia. In: Galileo. Marzo 2019. https://www.galileonet.it/migranti-del-clima/

[7] Steinberger, Julia. Climate emergency: scientific reality, necessary action. [PowerPoint Presentation]. Agosto 2019. Materiale presentato alla conferenza SMILE a Losanna (Svizzera).

[8] Fraioli, Luca. Cop25, rimandato il nodo delle emissioni: fallita la conferenza di Madrid. L’Onu: « Un’occasione persa ». In: la Repubblica. December 2019. https://www.repubblica.it/ambiente/2019/12/15/news/cop25_rimandato_il_nodo_delle_emissioni_greta_non_ci_arrenderemo_-243530321/?ref=RHPPLF-BH-I243531961-C8-P4-S1.8-T1