Radical, pas libéral


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Occupation de banques, honte de prendre l’avion, zéro déchets, anticapitalisme – les représentations de la protection du climat sont nombreuses. « L’essentiel est que quelque chose soit fait pour le climat. » Loin s’en faut ! Cet article explique pourquoi les approches libérales sont toujours les mauvaises et pourquoi le principe de consensus empêche des mesures de protection du climat radicales et donc durables.

Le mouvement de la Grève du Climat a véritablement dominé le débat public l’année passée. L’immense résonnance dans la société s’est montrée à la manifestation pour le climat le 28 septembre à Berne, où 100’000 personnes ont exigé haut et fort une politique climatique progressiste et juste. Et c’est largement notre mouvement qui a permis le basculement historique des électeur.trice.s en direction d’une politique verte lors des élections parlementaires nationales le 20 octobre 2019.

La vague verte a profité notamment au parti vert’libéral (PVL). Dans le Conseil National, il a plus que doublé ses sièges en passant de 7 à 16. Les partisqui portent le vert dans leur nom ont massivement augmenté leur force. Cela a donc aussi engendré une grande attente de la population large envers l’assemblée fédérale : maintenant, des mesures de protection du climat concrètes devaient enfin être prises.

Mais le PVL montre régulièrement de quel côté il se trouve vraiment. Pour le deuxième tour du Conseil des Etats en novembre, le canton de Zurich avait le choix entre la verte Marionna Schlatter et le libéral Ruedi Noser. Et en décembre la situation était semblable pour l’élection du Conseil Fédéral, où la verte Regula Rytz s’était présentée contre Ignazio Cassis comme réponse aux nouveaux rapports de pouvoir dans le parlement. Dans les deux cas, le PVL a décidé de laisser la liberté de vote et a ensuite voté les candidats PLR avec une grande majorité. L’incapacité à chaque fois de recommander les candidates vertes au vote montre le vrai visage du PVL : le profit vient toujours en premier lieu, aucune trace de vert en vue. Sauf peut-être sur les affiches électorales.

Aussi dans les affaires politiques courantes le PVL se contredit régulièrement du point de vue de l’écologie. Dans la session d’hiver 2019, la majorité du parti a accepté le financement de nouveaux avions de chasse avec un budget de 6 milliards de francs. Deux membres du parti l’ont même fait malgré leur promesse électorale de voter contre les avions de chasse. Le fait que les avions militaires sont très nocifs pour l’environnement aussi bien dans la production que dans l’utilisation n’est finalement pas la raison principale qui devrait déclencher une indignation absolue chez tou.te.s les électeur.trice.s du PVL. C’est plutôt l’implication militaire qu’entraîne l’achat de nouveaux avions de chasse. L’aggravation de la crise climatique et les pénuries de ressources qui en découlent vont mener à une augmentation des conflits. Dans cette interaction entre la protection du climat et la politique de sécurité, le PVL construit sur des dépenses totalement exagérées pour des avions de chasse de luxe au lieu d’investir dans la lutte contre la crise climatique. Car la protection du climat est très simple – et très peu onéreux – quand les problèmes écologiques et sociaux ne sont pas pensés ensemble et que le principe du pollueur-payeur, pourtant applicable sur des personnes privées, ne l’est pas sur les gouvernements, les banques et les grandes entreprises.

Paradoxe vert libéral

Le regroupement idéologique des intérêts écologiques et économiques comme le fait le PVL est pervers dans le sens où l’on peut, encore aujourd’hui, faire des bénéfices immenses avec des affaires nocives pour le climat. Les institutions financières suisses auraient arrêté depuis longtemps d’investir dans des opérations pétrolières sales si ce n’était pas rentable économiquement. Dans un système économique capitaliste qui soumet chaque centimètre carré de notre planète à la monétisation, qui transforme finalement l’humain en marchandise et qui considère la politique climatique comme un débouché lucratif pour des certificats d’émissions, aucune mesure de protection du climat ne peut contrer durablement les problèmes écologiques et sociaux prédominants.

Ce point est ardemment débattu depuis des mois. Un capitalisme vert est-il vraiment impossible ? Ne pouvons-nous pas continuer à accroître notre prospérité et en même temps « faire quelque chose pour l’environnement » ? Ces questions doivent, au plus tard avec le renforcement du PVL, être répondues haut et fort par un « non ». Le parti, qui revendique justement ce regroupement des intérêts écologiques et économiques, ne peut pas faire autrement que de prioriser encore et encore les ambitions financières pour ne pas nuire à l’économie. Finalement, le blocage nominal du PVL lors des élections zurichoises du Conseil des Etats et des élections nationales du Conseil Fédéral est une preuve suffisante que des mesures de protection du climat ne sont simplement pas possible sous une logique de profit capitaliste. A cause de ses contradictions intrinsèques, le PVL ne va pas atteindre quoi que ce soit qui se rapproche d’une politique climatique durable dans les quatre prochaines années. On est soit libéral, soit vert. 

Mais quel rapport tout cela a-t-il avec notre mouvement ? Après tout, il règne à l’interne de la Grève du Climat un large accord que la politique institutionnelle ne nous livre pas les solutions à la crise climatique. D’aucuns argumentront que le calcul politique du PVL peut donc nous laisser froid. Mais cela nous touche plus que ce qui peut sembler à première vue. La question de savoir si la protection du climat peut être atteinte durablement aussi avec des approches libérales occupe notre mouvement dès son premier jour.

Les solutions libérales ne peuvent pas faire partie de notre mouvement. La conviction que des mesures de l’économie de marché sont suffisantes pour surmonter la crise climatique favorise la structure qui est justement la cause de cette crise. Les entreprises « durables » et « sociales » satisfont un nouveau besoin du marché de produits et services économes en ressources, pendant que les consommateur.trice.s sensibilisé.e.s et critiques sont anesthésié.e.s avec une bonne conscience. Mais ainsi nous ne nous sortons pas des structures axées sur le bénéfice, plutôt nous continuons à y rester bloqué.e.s. Les ébauches de solutions néolibérales – qu’elles soient labellisées durable ou non – ne doivent pas avoir de place dans notre mouvement, étant donné que la création de nouveaux marchés comme prétendue solution nie le fait que des processus de négociation politiques sont nécessaires pour remédier aux problèmes actuels.

Le consensus met notre but en danger

Avec une pensée imprégnée de libéralisme, la Grève du Climat s’affaiblit donc elle-même en tant que mouvement politique. Plus précisément, elle s’affaiblit lorsque les structures internes du mouvement le permettent. Dans la Grève du Climat, cette condition est toutefois apportée par le consensus comme mode de décision: avec le consensus, notre mouvement fonctionne de manière à ce que même la plus infime minorité puisse bloquer les décisions. Et comme il y a encore et toujours des courants libéraux dans la Grève du Climat, les mesures de protection du climat progressistes et sociales sont en danger voire même impossibles à l’heure actuelle. 

Le principe du consensus se base sur le principe du plus petit dénominateur commun. L’existence du changement climatique est bien sûr incontestée dans notre mouvement. Tout comme le fait qu’il est causé par l’humain. Et aussi, que c’est surtout les pays du Nord qui provoquent la crise climatique. Mais si on va un peu plus loin que cela, il devient déjà plus difficile de mettre tout le monde d’accord. Dans quelle mesure les inégalités sociales systémiques jouent-elles un rôle dans la crise climatique ? La question écologique est-elle aussi une question sociale ? Où posons-nous les limites du système pour le principe du pollueur-payeur ? Quelles synergies et modes d’action utilisons-nous pour notre contestation politique ? Et où agissons-nous concrètement si nous voulons combattre la crise climatique?

Ces questions sont donc controversées à l’intérieur de notre mouvement. Avec le principe du consensus, cela a inévitablement comme conséquence que nous n’arrivons à nous mettre d’accord que sur les questions et débuts de solution fondamentales – le plus petit dénominateur commun. Mais ces questions-là se laissent traditionnellement aussi résoudre par une vision libérale du monde. Des mesures plus radicales – donc des mesures qui s’attaquent à la racine du problème – n’ont pas de place dans ce mode de décision, étant donné qu’elles ne trouvent pas de consensus à cause d’une minorité libérale. C’est pour cela qu’il est par exemple impossible à ce jour que la Grève du Climat se solidarise officiellement avec les causes de la Grève des Femmes*. L’article « Die Klimastreikbewegung kann nicht nur alleine kämpfen » dans la dernière édition (02/2019) démontre pourquoi cela devrait être absolument central. Mais la condition pour un lien entre ces deux luttes est que la question écologique pose aussi la question sociale. Mais, comme cela impliquerait au final de remettre en question notre système économique capitaliste, la minorité libérale de notre mouvement s’oppose avec succès à cette fusion des luttes depuis des mois.

Le principe du consensus est donc – tout contre son intention première – par essence anti-démocratique. L’idée de vouloir éviter structurellement la discrimination de la minorité par la majorité est pourtant louable sur le fond, mais quand des personnes isolées peuvent bloquer tout le fonctionnement de notre mouvement hétérogène, comment des mesures de protection du climat progressistes peuvent-elles encore être élaborées ?

Radicalisation collective

Avec cela se résorbe d’elle-même l’argumentation courante qui dit qu’il importe peu quelle direction est prise pour la protection du climat, sociale ou non, libérale ou non – tant que « quelque chose est fait pour le climat ». Sous le principe du consensus, c’est une manière d’argumenter qui est fondamentalement fausse et même dangereuse. Nous devons enfin nous comprendre comme un mouvement authentiquement politique et prendre des positions claires. La crise climatique est un problème de toute la société et c’est pour cela que la solution doit également être pensée pour l’ensemble de la société. Pour que nous puissions vraiment et efficacement contribuer à cette solution, nous avons besoin, en tant que mouvement collectif, une stratégie claire, politique et radicale – tou.te.s ensembles. Le premier pas à cela doit être l’abolition du principe du consensus. Car tant que nous nous paralysons nous-mêmes avec le fétichisme de l’horizontalité, qui veut prendre en compte toutes les opinions sans avoir de regard critique, nous ne trouverons pas de réponse radicale à la crise climatique.

Rahel G., 26 ans, géographe et activiste dans la Grève du Climat

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