Notre combat contre l’ecofaschisme


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La réponse à la crise climatique n’est pas forcément solidaire et juste, elle peut aussi survenire de manière fasciste.La plupart des partis de l’extrême droite ne veulent pas faire face à l’existence d’une réelle crise climatique, mais ceci peut encore changer!

Les partis de l’extrême-droite ou simplement de droite, qui sont dans le dénis de l’existence d’une crise climatique, sont dangereux. La seule chose qui puisse être encore plus dangereuse ce sont les partis de droite ou d’extrême-droite qui reconnaissent l’existence d’une crise climatique et voient une nécessité d’agir. Une enquête adelphi a relevé que la majorité des partis d’extrême-droite actif en europe, nient une crise climatique ou ne l’acceptent pas activement comme existante. [1] Naomi Klein prédit que ceci devrait changer durant les prochaines années. Dans son livre «On Fire – A Case for a Green New Deal» elle examine et étudie l’attentat du 15 mars 2019 dans une mosquée de Churchill qui mena au meurtre de cinquante personnes. [2] Mais seulement à quelques mètres de la mosquée, une manifestation par rapport aux grèves du climat internationales avait lieu. L’auteur de l’attentat, agissant avec des motif racistes, mentionne un effondrement écologique dans son manifeste. Il nomme cet effondrement la raison de son acte et écrit: «Il n’y a pas des nationalisme sans protection de l’environnement» («There is no nationalism without environmentalism»). [3] Ceci est un référence directe à l’idéologie nazie du sang et de la terre ( Blut-und-Boden-Ideologie). Au cours des dernières années, la detruction de l’environnement réapparaît à nouveau dans des manifestes d’autres terroristes d’extrême-droite.

La crise climatique et la destruction de l’environnement ne font pas bouger que des terroristes. On retrouve ces thèmes dans des structures organisées de partis d’extrême-droite et de droite. La NPD par exemple, qui est un parti neofasciste, propage la formule «Umweltschutz ist Heimatschutz » [4] ce qui veut dire: « la protection de l’environnement est la protection du pays. »,et l’UDC voit la migration comme raison pour les problèmes d’environnement actuels[5]. Actuellement autant la NPD en allemagne que l’UDC en Suisse nient la crise climatique, mais une émission de Tucker Carlson sur la chaîne US-américaine Fox News [6] laisse deviner, comment la nouvelle position de la droite par rapport à la crise climatique pourrait changer. Carlson dit que si une crise climatique existait véritablement il serait nécessaire de fermer toute les frontieres au Mexique, pour arreter de vagues de migrants.Il base ses propos sur le fait que les personnes dans les  pays du nord produisent plus de gazes à effet de serre que ceux au sud – ce qui est statistiquement correct. Mais il tire la conclusion qu’une hausse des émissions peut être évité si, les personnes qui n’émette que peux de gaz a effet de serre ne migrait plus dans les pays ou la moyenne de gaz à effet de serre est haute .

Dans les prochains paragraphes j’essaie d’imaginer comment la politique de droite, en partie même fasciste, pourrait se développer. Il faut d’abord savoir clairement différencier la droite au fascisme: Les partis de droite voient la démocratie et l’état de droit comme essentiel tandis que les partis de tendance fasciste ont tendance à rejeter ces idées. Ils essayent donc de construire une société totalitaire. Suivant cette définition, Trump et l’AFD sont classé comme fasciste: Les représentants de l’AFD minimise l’Holocaust und vont même jusqu’à le nier. Certains se font publiquement nommer fascistes. Trump ne s’est jamais distancé des événements à Charlottesville ou de ses liens à des fascistes comme David Duke, le meneur du KKK. Il alla jusqu’à nommer les manifestants de Charlottesville  » des gens très corrects » ( »very fine people ») [6]. Il désigna tout les mexicains de violeurs et enferma des humains dans des camps. L’UDC a des membres qui participent à des manifestations de Neonazis, mais aussi une grande partie de personnes, qui sont plutôt bourgeois qui essaie de soutenir le petit peuple. L’UDC ne peut donc pas entièrement être désigné comme partis fasciste.

Supposons que des partis de droite et d’extrême droite acceptent l’existence de la crise climatique et qu’ils voudraient l’arrêter avec des mesures efficaces. Ils en suivrait la questions,dans quelle mesure une politique climatique de gauche se différencierait d’une de droite. Pendant qu’à gauche l’égalité sociale, aussi appelé égalité climatique est très importante, la droite n’en tient pas réellement compte ou agit même contre une égalité sociale plus présente. Pendant que la gauche essaye par exemple de mettre en place des mesures climatique sous forme d’interdictions qui répartiraient à nouveau le capital et le pouvoir des privilégiés au ouvriers, la droite mise plutôt sur la responsabilité de chacun et sur l’idée que chacun peut choisir son destin. En réalité cela mène à une concentration perfide d’argent de pouvoir et de privilèges pour une petite élite. Avec des interdictions il est possible de s’en prendre consciemment à des groupes sociaux plus faibles et d’essayer de les rendres responsables pour la crise climatique. Cela arrive déjà aujourd’hui quand des individus sont rendu responsables pour la crise climatique à cause de leur manière de consommer.

La politique d’interdiction venant de la droite, interdirait par exemple les voitures avec des moteurs à explosion, sans proposer d’alternatives: Le réseau de transports publiques en dehors des villes ne serait pas assez agrandi et la majorité de la population n’aurait pas les moyens de financer une voiture électrique. Une telle politique, qui est en partie exercé par macron, en France, portes les conséquences suivantes: Les personnes qui font partie de groupes marginaux, perdent de la mobilité et donc aussi la possibilité de prendre part à la vie publique. Si l’égalité climatique n’est pas respecté, des conséquences fatale se créent pour les personnes concernés. Pendant que les Émission a gazes à effet de serre sont effectivement réduites, l’inégalité dans la société augmente.

Contrairement à une politique de droite, le contrôle absolu et les structures dans chaque milieu sont des points centrales pour le fascisme. Dans ce cadre là, le fait de poser plus d’interdictions mène à un meilleur contrôle de la population. L’infraction d’une loi pourrait avoir des répressions importantes sous un gouvernement fasciste, surtout en considérant la protection de l’environnement égale à la protection de la patrie. La méprise de ses interdictions serait donc une trahison envers la patrie et la nation. La politique climatique sans égalité climatique nous mènerait  donc dans un futur très sombres, même peut-être brun.

Un deuxième scénario concernant la rapport entre la crise climatique et le fascisme est aussi possible: Une augmentation de gaz à effet de serre à comme résultante qu’un crise humanitaire se déclencherait. Dans le cinquième rapport du conseil international du climat on parle d’une hausse importante de la migration en rapport avec les conséquences du changement climatique [8]. Les personnes, qui perdent leur habitat à cause de la crise climatique, doivent reconstruire leur vie ailleur. On suppose par exemple que la guerre civile en syrie a été influencé par la  période de sécheresse qui l’a précédé [9]. Beaucoup de personnes qui gîtent actuellement aux frontières sudes des USA, ont fuit l’amérique latine car des sécheresses importantes leur fit perdre leur principal revenu [10]. Le fait que des milliers de personnes  se sentent obligées de quitter leur habitat en rapport avec la crise climatique n’est donc plus du tout un scénario lointain.

Les réactions de l’Europe et des USA par rapport à ce genre d’événement sont d’autant plus effrayants. En 2015 et en 2016, quand un nombre record de personne essayait de passer différentes frontières européennes, la réponse n’aurait pas pu être plus dure. Aujourd’hui les frontières européennes externes sont fermées, des barrières ont étés montées et en méditerranée, elles sont protégées par Frontex et de milice libyennes. En Libye, d’innombrables personnes sont tenus prisonniers dans des conditions inhumaines et extrêmement précaires. Les personnes qui tentent de sauver des migrants du naufrage, comme la capitaine Carola Rackete, sont traités comme des criminels. Aux USA la situation n’est pas vraiment très différente: les frontières très sécurisé, qui existaient déjà avant Trump, forcent les migrants à prendre sur eux un voyage dangereux à travers le désert. S’il survivent le désert, ils ont souvent que la possibilité de travailler sous de très mauvaise conditions, car il n’ont pas de papiers. Sous Trump des demandeurs d’asile sont enfermé dans des camps avec des moyens sanitaires très restreints. À partir du moment où la crise climatique mène à la migration, un visage des sociétés occidentales remplis de racisme et de fascisme se montre.

En même temps le monde connaît une montée en puissance venant de partis et de politiciens de droite, qui gagnent des élection en cultivant la haine et le dénigrement.Toujours plus de personnes souffrent de cette politique néolibérale, qui leur laisse très peu pour vivre dignement. Après des décennies ou l’idée que l’individu était au centre, qu’il fallait détruire l’organisation syndicale des ouvriers et que le concept de la société n’existait pas, fut répandue, il n’existe presque plus de solidarité entre les oppressés. Ce développement dans la societe arrange l’extrême droite, qui veut trouver des solutions simples aux coûts de personnes, qui souffrent d’autant plus sous la politique néolibérale. Les représentants de partis traditionnels et bourgeois n’entreprennent pas grand chose pour se distancer de ce genre de politique. Au USA, la majorité des républicains soutiennent encore la politique de Trump, en allemagne le CDU de certaines régions réfléchit à s’allier  à l’AFD, un an après que leur collègue de parti, Lübcke fut fusillé à cause de sa politique de migration. Avec ce comportement la fondation pour la monté en puissance globale de pensées néofasciste, est construite.

Les revendications pour plus de protection de l’environnement sont actuellement seulement établie dans des partis de gauche, mais ceci pourrait changer. Le fascisme du 20ème siècle n’a pas commencé avec des camps de concentration, mais avec une polarisation au sein de la société en mettant des situations de crise, dans laquelle le pays se trouvait, à profit. Il est nécessaire que le mouvement pour le climat prenne conscience de cette situation. Le Sierra Club, un des plus grandes organisations écologique au USA, risquait presque d’être infiltré par l’extrême droite. Il y eu une campagne commune de la Tea Party et du Sierra Club pour la promotion de panneau solaire et des personnes antisémites se portèrent candidats pour le comite [11]. Lor d’une manifestation en pologne,il y avait une banderole avec le dicton:  »Sauvez les abeilles pas les réfugiés » (  »Save bees not refugees ») [12]. La grève pour le climat n’ose pas ignorer ces faits.

La réponse de la grève du climat en rapport a une politique eco-fasciste doit être claire: La politique climatique doit toujours être juste au niveau social. Depuis le début, la grève pour le climat existe grâce à la solidarité, le respect mutuel et la tolérance. Si nous voulons parfaire la formulation de notre troisième revendications, il faut que le fait que l’égalité climatique est antifasciste, soit claire. Il ne suffit pas de parler d’un meilleur monde et d’empêcher des pensées fasciste de se répandre en faisant des discours positifs; l’ensemble de nos actes doit être marqué de l’antifascisme. Ça signifie que nous devons arrêter chaque tentative, venant de la droite qui voudrait changer notre agenda politique. Une politique climatique de droite est uniquement utile  pour garder une élite privilégiée et blanche et ne se bouge pas pour le bien commun de la population.

La grève pour le climat doit aussi construire de structures au seinn de la société qui sont forgés par la diversité et le vivre-ensemble. Les personnes sont plus sensible aux idées fascistes, quand ils ont l’impression de ne pas être soutenu et que tout dépend d’eux même. La grève pour le climat a montré que le combat contre la crise climatique était un combat collectif. Ce sentiment doit être renforcé au sein de la société. Car au final, nous nous battons pas pour le climat mais pour les humains. Et un combat pour les humains sous-entends un combat contre le fascisme.

Extrait de textes: 1)Une politique climatique sans égalité climatique mène inévitablement vers un futur très sombre, peut-être même brune. 2) Le fascisme du 20ème siècle n’a pas commencé avec des camps de concentrations mais avec la polarisation au sein de la société.3) L’égalité climatique est antifasciste. 4) Au final nous nous battons pas pour le climat mais pour les humains.

Résumé: Actuellement, la majorité des partis de droite et d’extrême droite ne reconnaissent pas l’existence d’un crise climatique. Mais il y a de premiers signes annonciateurs que ceci pourrait bientôt changer. La politique climatique de droite se différencie fondamentalement des mesures climatique socialement justes: Pour l’obtention des buts climatique, ils pourraient utiliser des mesures qui restreindraient la liberté de certains groupes sociaux. Les conséquence de la crise climatique, par exemple l’augmentation de l’immigration, pourrait mener à une monté en force des partis d’extrême droite. Déjà aujourd’hui, nous pouvons reconnaître ceci a la manière dont les États unis et l’europe réagissent aux vagues de migrants. Si nous ne prenons pas la progression de la crise climatique cela pourrait mener au cloisonnement de l’europe et des etats unis. L’égalité climatique doit donc aussi être antifasciste et la grève pour le climat doit activement se battre pour une société ouverte et solidaire, pour empêcher le retour du fascisme.

Jonas Kampus, 18 ans, étudiant actif au sein de la grève du climat au strike for future,dans la coopération avec des syndicats, le plans d’actions globales, le travail médiatique et la coordination globale.

 Quellen:

[1]S. Schaller und A. Carius, «Convenient Truth: Mapping climate agendas of right-wing populist parties in Europe», adelphi, Berlin, 2019.
[2]ABC News, «Christchurch shooting death toll rises to 50 after one more victim discovered at mosque», ABC New, 17 März 2019. [Online]. Available: https://www.abc.net.au/news/2019-03-17/christchurch-shooting-death-toll-rises-to-50-new-zealand/10909288. [Accès le 24 novembre 2019].
[3]N. Lennard, «The El Paso Shooter Embraced Eco-Fascism. We Can’t Let the Far Right Co-Opt the Environmental Struggle», The Intercept, 5 August 2019. [Online]. Available: https://theintercept.com/2019/08/05/el-paso-shooting-eco-fascism-migration/. [Accès le 9 décembre 2019].
[4]S. Götze, «Grünes Blatt, brauner Boden», Spiegel Online, 28 Juli 2019. [Online]. Available: https://www.spiegel.de/wissenschaft/mensch/dresdner-erklaerung-das-nationalistische-umweltverstaendnis-der-afd-a-1279206.html. [Accès le 24 novembre 2019].
[5]A. Amstutz, «Massive Belastung für Umwelt: 1 Million mehr Menschen in den letzten 11 Jahren», Extrablatt: Vernunft statt Ideologie, p. 2, Juni 2019.
[6]L. Moran, «Tucker Carlson Comes This Close To Echoing His Ugliest Statement About Immigration», Huffington Post, 21 novembre 2019. [Online]. Available: https://www.huffpost.com/entry/fox-news-tucker-carlson-immigration-comments-climate-crisis_n_5dca6c56e4b02bf579459f22. [Accès le 24 novembre 2019].
[7]B. Jacobs und O. Laughland, «Charlottesville: Trump reverts to blaming both sides including ‚violent alt-left’», The Guardian, 16 Aug. 2017. [Online]. Available: https://www.theguardian.com/us-news/2017/aug/15/donald-trump-press-conference-far-right-defends-charlottesville. [Accès le 18 décembre 2019].
[8]IPCC, «Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change», Cambridge University Press, Cambrige, United Kingdom and New York, NY, USA, 2014.
[9]F. D. Châtel, «The Role of Drought and Climate Change in the Syrian Uprising: Untangling the Triggers of the Revolution», Middle Eastern Studies, Bd. 50, Nr. 4, pp. 521-535, 2014.
[10]L. Markham, «How climate change is pushing Central American migrants to the US», The Guardian, 6 avril 2019. [Online]. Available: https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/apr/06/us-mexico-immigration-climate-change-migration. [Accès le 9 décembre 2019].
[11]M. Phelan, «The Menace of Eco-Fascism», The New York Review of Books, 22 Octobre 2018. [Online]. Available: https://www.nybooks.com/daily/2018/10/22/the-menace-of-eco-fascism/. [Accès le 9 décembre 2019].
[12]R. Drosner, «In Polen sind viele Klima-Aktivist*innen nationalistisch», jetzt, 6 Dezember 2019. [Online]. Available: https://www.jetzt.de/umwelt/friday-for-future-in-polen-fuer-das-klima-aber-gegen-fluechtlinge. [Accès le 9 décembre 2019].

Ce que nous faisons ici n’a jamais été aussi important


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L’odeur de mon thé au gingembre fumant emplit mon nez. Je serre la tasse chaude de mes doigts tremblants et je laisse glisser mon regard vers l’extérieur. Un brouillard épais traîne dans les rues, enveloppe les lampadaires et les arbres, avale les chats errants. Des nuages denses traversent les ruelles, je n’arrive à reconnaître que les contours d’une passante pressée. Je plisse les yeux, plus fort, toujours plus fort, mais en fait je suis heureuse que les rides sillonnant les fronts de ces visages stressés ne parviennent pas à se graver dans ma mémoire. Je presse mon nez contre la vitre glacée, inspire et expire profondément. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Comme le chat avalé par le brouillard, je suis aspiré par mes propres pensées. Celles-ci tournent en rond, encore et encore elles tournent en rond.

Les gros titres du jour, sécheresses et tornades, feux de forêt ardents et famines, me submergent, tout comme ceux d’hier et la peur de ceux de demain.

Je me sens impuissante. Depuis des mois, j’essaye de toutes mes forces de me libérer d’une structure embrouillée et de prendre avec moi autant de personnes que possible. Mais j’ai parfois l’impression que mes parents, mes voisin.e.s et mes ami.e.s ne m’écoutent même pas, comme s’iels n’avaient aucun intérêt à s’aider soi-même et à aider le reste du monde. Avec 42 gigatonnes de CO2 par année, nous fonçons à toute vitesse vers un abîme, et personne ne semble vouloir – ou pouvoir –  réduire l’allure. Ça me détruit quand je remarque que les humains se laissent mener par les normes et les modèles de la société et par les manipulations des puissantes grandes entreprises et institutions financières, comme moi par mon jeu de pensée. Iels se sentent attaqué.e.s personnellement quand j’essaye désespérément de me faire entendre. Pourquoi pensent-iels que je veux leur enlever, leur nier quelque chose ou les trahir ?

Je plonge mon regard dans la grisaille confuse à l’extérieur. Je me souviens de Sisyphe, qui doit éternellement pousser un rocher au sommet d’une montagne et dont la pierre retombe à chaque fois dans la vallée juste avant qu’il n’atteigne le sommet. A chaque impact sur le sol, le rocher emporte des gens dans la pauvreté, leur prend des terres, l’eau, la fertilité, leur pays. Il leur prend l’espoir d’une vie juste, là en bas, au pied de la montagne, au Sud. Je me sens responsable de retenir le bloc, de le hisser vers le haut de toutes mes forces. Mais les arêtes et les pointes de mon fardeau ne cessent de meurtrir mes mains, jusqu’à ce que ma douleur crie plus fort que mon utopie.

Je plonge mon regard dans la grisaille confuse à l’extérieur. Je me souviens des visages déterminés qui se sont défendus coude à coude face à la politique injuste et destructrice des avides. Les paroles dénigrantes résonnent encore dans mes oreilles, les expressions de visage interrogatives et les regards compatissants, moqueurs quand je raconte de mon activisme, me font frissonner. Est-ce que je produis aussi quelque chose de sérieux dans ma vie, me demandent-iels. Iels demandent comment on peut seulement passer la journée entière à se battre pour le climat. Je suis obligée de me repérer dans ce système qui mène droit dans le mur. Je ne peux pas et ne veux pas être marginalisée, éliminée. Et je sais à quel point je suis privilégiée. Ça ne rend pas la chose plus facile. Si j’échoue, j’ai le sentiment que ça ne tient qu’à moi. Si je suis confuse et désorientée, que je n’arrive pas à m’extraire de mon lit, alors je pense que c’est uniquement et entièrement de ma faute. Je pourrais être tellement libre, mais je ne peux pas. Je pense aux masques indifférents de celleux qui n’ont fait qu’observer le cortège de la manifestation depuis le bord de la route et qui ont vite sorti leur portable pour un nouveau post sur leur profil Instagram. Mon coeur devient lourd. Il bat à grands intervalles, sourd et résigné.

Je sirote mon thé. La chaleur me brûle les lèvres. Je sursaute. Je lâche un juron. Ensuite je lève mon regard. Sur ma langue, le goût brûlant du gingembre cède à la douceur du sirop de dattes. D’un coup, les images de frustration sont remplacées par des impressions de force et d’esprit de lutte. Devant mes yeux apparaît la lueur euphorique dans les yeux des petits enfants qui sautillent entre des immenses banderoles et pancartes en carton. Iels dansent à pied nus sur des mélodies fortes qui résonnent depuis les immenses haut-parleurs – on entend des rêves de révolution. Le courage me submerge. Le courage et le puissant sentiment qu’aucune déception, aucune défaite, aucune détresse ni aucun désespoir ne suffira jamais pour m’empêcher de continuer à me battre et de défendre ma vision d’un monde meilleur. Je veux vivre ce sentiment de communauté qui me saisit quand nous rêvons de visions vertes et que nous brandissons des drapeaux rouges. Quand nous préparons des manifestations et des actions jusque tard dans la nuit, que nous élaborons des plans et menons des discussions intenses. Je veux faire partie des gens qui savent qu’iels font la bonne chose. Je veux me sentir appartenir à celleux qui renversent les puissants de leur trône – les puissants qui surfent sur la vague de la richesse et acceptent toute perte en contrepartie. Ce que nous faisons ici n’a jamais été aussi important. Si pas maintenant, quand ? Si pas nous, qui ?

Une dame âgée, se promenant avec une canne, passe devant ma fenêtre. Un sourire satisfait marque ses lèvres. Je n’ai pas besoin de plisser mes yeux pour remarquer qu’un autocollant familier décore une manche de sa veste. C’est écrit : « Make Love, Not CO2 ».

Leonie Traber, 18 ans, activiste pour le climat, membre de la JS

Mouvement!


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Traduction en français

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Après les premiers succès partiels obtenus l’année dernière, on se demande comment réussir à ce que ce mouvement puisse persister sur le long-terme. Nous ne pourrons arriver au changement tant nécessaire que tous ensemble!

Nous avons sans aucun doute réalisé beaucoup de choses au cours de la dernière année. Pour la première fois, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour le climat de manière régulière. Le climat est devenu le sujet principal du discours politique que personne ne peut éviter, et les élections montrent un changement dans l’opinion publique.

Mais particulièrement la COP25 à Madrid (le sommet de l’ONU sur le climat en décembre dernier) a montré que nous sommes encore infiniment loin d’atteindre nos objectifs. Malheureusement, les 14 jours de conférence n’ont guère produit de résultats dignes de ce nom.

Il y a peu de signes que la conférence qui se tiendra l’année prochaine pourra être à la hauteur de son objectif initial. La tendance actuelle n’indique pas de diminutions des émissions mondiales de gaz à effet de serre dans un avenir proche. La crise climatique met l’humanité à sa plus grande épreuve jamais vue auparavant. Elle pose la question fondamentale de savoir comment nous voulons, en tant que société, vivre ensemble, mais nous n’avons toujours pas le courage d’affronter cette question de manière honnête et rationnelle. Jusqu’à présent, de véritables succès ne se sont pas concrétisés ; au plus tard cette année, nos émissions de gaz à effet de serre devraient commencer à diminuer, mais la tendance est à l’inverse. Le gros du travail reste donc devant nous. Nous devons supposer que l’on a encore besoin de nous en tant que mouvement pour le climat pendant plusieurs années à venir. Non seulement cela, mais nos efforts devraient s’intensifier considérablement afin que nous puissions réellement limiter une catastrophe climatique et la sixième extinction massive, déjà en cours.

Le mouvement « grève du climat » a été initié par une poignée de personnes il y a un an et il est toujours soutenu par un nombre assez gérable d’écoliers et d’étudiant(e)s principalement. Par un petit nombre de personnes qui interrompent partiellement leur éducation et qui passent leur temps à organiser des manifestations, à faire du travail médiatique et à maintenir ce mouvement en vie à la place. À l’avenir, cet engagement devrait être réparti sur beaucoup plus d’épaules. Nous devons tous nous demander comment nous voulons continuer à vivre sur cette planète. Tu devras aussi te demander comment tu voudras participer au changement parce que cela te concerne, toi, les gens qui t’entourent et les générations à venir.

Un grand changement durable résulte du fait que toi et les gens autour de toi, vous vous organisez et essayez de faire ensemble quelque chose contre la crise climatique. Vous pouvez le faire en sachant que beaucoup d’autres personnes le font aussi, vous n’êtes pas seul. L’accumulation de nombreux groupes de personnes petits et grands organisés qui veulent changer fondamentalement cette société ensemble, pourront réussir la transformation de cette société.

Ceci en le commençant localement dans votre communauté ou votre quartier. Revenons encore une fois sur un an en arrière : presque personne n’aurait pensé qu’un an plus tard, juste avant les élections, une manifestation sur le climat avec 100’000 personnes aurait lieu. Ou que cela serait suivi d’un glissement de terrain au sein du Conseil national – un tel changement ne s’est pas produit depuis des décennies. Ces événements ne viennent pas de nulle part. Un groupe de personnes est capable de créer ensemble quelque chose que les individus n’auraient jamais créé seuls. C’est plus que l’accumulation d’actions individuelles ; en tant que groupe qui veut changer quelque chose, nous pouvons nous surpasser, parce que par l’inspiration mutuelle et la force qui en résulte, nous nous donnons les moyens de créer ensemble un monde meilleur. Moi, toi, nous tous devrons nous organiser dans nos communautés, dans nos quartiers, sur notre lieu de travail ou à l’école, afin de construire la société que nous voulons : écologique, sociale et durable.

C’est pourquoi c’est aussi à toi de t’impliquer et de faire du réseautage ; d’ajouter ta pièce au puzzle, de l’agrandir ou de convaincre les autres d’ajouter la leur. Ensemble, nous pouvons créer une nouvelle image de cette société. Cela dépend de toi et de tous les autres lecteurs de ce magazine de savoir si nous aurons le souffle nécessaire pour ce voyage. Maintenant, plus précisément : Comment peux-tu t’impliquer ? Va donc sur https://grevepourlavenir.ch/ (en allemand le site strikeforfuture.ch/join/lokalgruppe-grunden/strikeforfuture.ch/xyz) et découvre comment tu peux former ou rejoindre un collectif local pour la grève du 15 mai. Implique-toi dans les structures des groupes régionaux de la grève du climat (https://climatestrike.ch/fr/regionalgruppen/XYZ). Concernant comment rentrer dans le mouvement, il faudra que tu restes un peu persévérant, car nous ne sommes pas encore assez bien organisés pour rendre les choses aussi faciles que nous le souhaiterions. Mais nous sommes toutefois dépendants de toi ! Nous ne savons pas encore où le chemin nous mènera. Mais observer et attendre n’est plus une option, c’est à toi spécifiquement de définir la direction de ce mouvement et de contribuer au changement vers une société écologique, durable et sociale. Il n’y a plus aucune de raison et plus de temps pour hésiter davantage. Nous-mêmes sommes ceux que nous attendions. Saisissons cette occasion unique avant qu’elle ne passe.

Fanny, 18 ans, actuellement militante à plein temps.

De la nature et de l’utilité de la grève


Le texte original en français

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Le mot grève est dans toutes les bouches en Suisse. Deux mouvements s’en revendiquant, l’un féministe et l’autre écologiste, ont en effet popularisé ce terme. Mais qu’est-ce qu’une grève?

Une grève est une cessation de l’activité économique par des travailleuses et travailleurs opposé.e.s au patronat. C’est un conflit dans lequel chaque partie a des intérêts différents. Elle peut revêtir des formes multiples et être menée de front avec d’autres actions (manifestation, sabotage, action institutionnelle ou en justice, négociation…). Elle vise à garantir les droits des salarié.e.s ou à en obtenir de nouveaux. Elle peut servir des intérêts très spécifiques (une disposition propre à une entreprise) ou très larges (des progrès sociaux touchant l’ensemble de la société).

Les conflits de travail existent depuis longtemps. Depuis la spécialisation du travail, les dominé.e.s ont toujours connu des phases de lutte contre les dominant.e.s. Ces conflits ont pu prendre de nombreuses formes. Au XIXe siècle, les mouvement ouvrier et socialiste ont revendiqué diverses formes de lutte contre le patronat [1], dont la grève. Mode d’action important voire central, il a traversé les décennies et reste un outil puissant, même en Suisse.

De nombreux exemples le montrent: la grève est efficace! En France, des grèves et occupations d’usines ont permis d’obtenir en 1936 les congés payés, en 1968 un relèvement général des salaires. Plus récemment en Suisse, des grèves ont eu un succès indéniable [2], malgré une répression patronale intense, une protection juridique des salarié.e.s ridicule (l’OIT dénonce la Suisse pour cela) et des entraves procédurières au droit de grève. Ainsi, dans le secteur de la construction, le gros oeuvre a obtenu la retraite anticipée à 60 ans! La grève n’est pas qu’un moyen de défense, mais aussi un outil offensif efficace.

Pour qu’une grève soit licite en Suisse, il faut qu’elle porte sur la relation entre patronat et salarié.e.s; respecte la paix du travail si elle est inscrite dans une CCT; soit une solution de dernier recours. Elle peut être spontanée ou le plus souvent organisée en amont, généralement par un syndicat. La cessation d’activité peut durer quelques heures ou des jours. Les salarié.e.s n’étant pas payé.e.s, des fonds de grève prennent la relève. Si les secrétaires payé.e.s par la plupart des syndicats jouent un rôle central, iels appliquent un mandat conféré par les grévistes. C’est une lutte collective, qui crée des liens forts entre grévistes et instaure une culture de solidarité. Mais elle est difficile à mener, et il est rare que toutes les revendications soient exaucées. Néanmoins, de très nombreux exemples montrent son efficacité (pour réduire le nombre de licenciements, relever les salaires, obtenir une retraite anticipée…). Il faut pour qu’elle réussisse une cohésion parmi les grévistes, mais aussi des fonds de grève pour les soutenir, ainsi que des appuis externes. Il est rare qu’aucun des objectifs fixés par les grévistes ne soit atteint.

Notre mouvement a débuté ses actions par des grèves étudiantes. Atypique, notre mode d’action n’est pour autant ni novateur ni isolé. Dans notre cas, la grève a été sauvage ou presque (sans planification syndicale), parfois spontanée (des grévistes décidant de cesser leur activité de formation – que l’on peut considérer comme du travail – le jour-même), et, selon la jurisprudence suisse, “politique” (quoique toute grève soit politique). Les premières grèves ont été un cri du cœur, dirigé vers les entreprises mais surtout vers l’Etat, avec une aspiration dépassant très largement les institutions de formation. Mais de plus en plus, notamment depuis que la justice climatique est une de nos revendications nationales, des liens se créent avec les syndicats (mais aussi les collectifs pour la grève féministe) et le mot d’ordre flou de grève générale se précise et se dote de structures, de buts, et de revendications de plus en plus concrètes. Le premier jalon vers une grève générale a été fixé: le 15 mai 2020.

Nous nous posons surtout la question de comment faire la grève. Mais le pourquoi est central. Si nous faisons grève, c’est que c’est un outil efficace socialement et politiquement. Le secteur économique est central dans la crise écologique, et fait partie intégrante du système politique. Toucher à la production, à la distribution et aux services, c’est toucher au cœur du pouvoir. Et donc ouvrir la voie à des changements conséquents dont nous avons besoin. La grève est un outil collectif, bien plus puissant que la plupart des actions individuelles. Elle permet aux salarié.e.s de lutter pour empêcher que les mesures visant à atténuer la crise environnementale soient anti-sociales.

Pour toucher les salarié.e.s, nous avons besoin des syndicats (mais nous devons aussi nous appuyer sur d’autres structures), de leurs moyens d’actions, fonds de grève et expérience. Nous devrions largement converger avec eux, et avec l’ensemble des forces progressistes.

L’après grève générale reste ouvert, et sera déterminé au fil de nos luttes. Mais il est fondamental de se poser la question: quel est le but d’une grève générale? Évidemment, poursuivre des buts écologistes et sociaux. Mais doit-elle servir, comme le préconisent certain.e.s, à un renversement du “vieux monde”, c’est-à-dire de la société de classes, de la société capitaliste dans son ensemble? Être un élément aidant ce but, poursuivi aussi par d’autres moyens? Servir à évincer les dirigeant.e.s des grandes entreprises et de l’État et viser à leur remplacement? Servir d’incitation au changement, sans bouleversement des structures économiques? Ces positions, et d’autres, existent au sein de notre mouvement. Je soulignerai que selon moi, il est impossible d’atteindre nos objectifs en gardant un système économique basé sur une croissance infinie alors que nos ressources sont finies. J’irai même jusqu’à réclamer l’abolition du triptyque capital-État-nation [3]. Mais à chacun.e d’y réfléchir.

Que faire alors? La question ne sera résolue que dans l’action.
Alors tou.te.s en grève le 15 mai 2020!

Robin Augsburger, civiliste, bachelor en biologie et ethnologie. Actif dans les domaines de l’écologie, de la migration et du syndicalisme étudiant

Références

[1] POUGET Emile, Le Sabotage, 1911, disponible à l’adresse https://infokiosques.net/IMG/pdf/Le_sabotage_-_Emile_Pouget.pdf

[2] ALLEVA Vania, RIEGER Andreas (éd.), Grèves au 21e siècle, Rotpunktverlag, 2017, Zürich

[3] KARATANI Kojin, Structure de l’histoire du monde, CNRS Éditions, 2018, Paris

Écologie et anticapitalisme: un mariage heureux?


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Partout, des mouvements écologistes émergent et s’accordent sur le constat du changement climatique. Mais une question les déchire: « capitalisme » peut-il s’écrire en vert?

«L’espèce humaine est en guerre contre la nature» déclarait Antonió Guterres quelques jours avant l’ouverture de la COP25. En effet, le changement climatique est d’une simplicité biblique: chaque molécule de gaz à effet de serre réchauffe un peu plus l’atmosphère. Cette guerre est donc une course contre la montre. Le problème ne fait qu’empirer et la marche du temps nous rapproche du moment fatidique où nous aurons dépassé le budget carbone.

Pour certain.e.s, c’est le dogme capitaliste qui provoque cette situation. Il est donc nécessaire, selon elleux, de combattre celui-ci. Pour d’autres, le problème est surtout technique et c’est donc la technologie qui le résoudra. J’ai longtemps fait partie du premier groupe, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi je ne défends plus aucune de ces deux positions.

Selon moi, une erreur commune chez les personnes qui combattent le capitalisme est de penser que celui-ci est conçu pour atteindre je ne sais quel but. Ce n’est pas le cas. Le capitalisme n’est absolument pas réfléchi pour atteindre un objectif. Son organisation se contente de favoriser la compétition avec pour seule limite l’État pseudo-démocratique dont le rôle est d’éviter que cette anarchie économique ne s’autodétruise. Pourquoi ne pas se servir de cet état de fait?
En effet, ce sont les contraintes appliquées au marché qui rendent un produit plus concurrentiel qu’un autre. Une manière d’agir peut donc consister à cibler les entreprises qui gagneraient des parts de marché avec un durcissement d’une contrainte écologiste.

Un exemple concret : les centrales électriques à gaz émettent environ 490g de CO2/kWh contre environ 1000g pour celles au charbon. Une taxe carbone augmente donc le prix de ces deux types d’énergie. Cependant, celui du gaz croît deux fois moins que celui du charbon. Les entreprises gazières ont donc intérêt à demander une augmentation de la taxe carbone afin que le gaz devienne compétitif. C’est ce qu’a remarqué le think tank The Shift Project qui a convaincu le PDG de Total, entreprise pétro-gazière française, de militer pour une augmentation de la taxe carbone. C’est ainsi qu’un marchand d’énergies fossiles s’est mis à appuyer de toute la force de son lobby sur la commission européenne pour augmenter la taxe carbone. Et c’est aussi ainsi que le prix du carbone en Europe est passé de 4,79€ la tonne en 2013 à plus de 25€ actuellement.

Certes, cette action n’est pas suffisante, mais elle montre bien comment un mouvement organisé peut se servir de la compétition pour atteindre des objectifs écologistes. Devenons les maîtres d’orchestres du requiem du libéralisme. Pourquoi ne pas choisir des lobbys triés sur le volet avec lesquels nous ferions temporairement alliance? Certes, ce genre de changement stratégique représente un virage à 180°, mais la remise en question n’est-elle pas la marque de l’intelligence? Après tout, n’est-ce pas historiquement l’alliance des blocs communistes et capitalistes qui, dans une lutte commune, ont pu renverser le fascisme en Europe?
Dans cette course contre la montre, nous ne disposons pas du luxe d’un changement de système avant qu’il ne soit trop tard. Là où la nature est bien plus cruelle que l’économie, c’est que ses règles ne sont ni négociables, ni transgressables, ni combattables. Une fois notre budget carbone épuisé, nous avons perdu. Ni plus, ni moins.

C’est donc dans ce contexte que notre combat s’inscrit. Pour chaque action, nous devons nous demander non seulement si elle est pertinente, mais en plus si elle s’inscrit dans une stratégie globale compatible avec la préservation de l’environnement dans le temps imparti. C’est d’ailleurs la base de la critique décroissante: toute action doit être pensée dans les limites du monde, et parfois ces limites nous commandent des actions auxquelles nous sommes réticent.e.s. C’est exactement cela la décroissance; la réduction de notre capacité à agir sur le monde.
Quand à moi qui suis un fervent anticapitaliste, je me console par la phrase d’Yves Cochet : «Ça n’est pas la lutte des classes qui viendra à bout du capitalisme mais la géologie». Ne perdons pas notre énergie à combattre un système voué à disparaître dans les années ou, au plus, les décennies à venir. Concentrons nos forces sur la construction d’un après, mais surtout, concentrons nos luttes sur un combat qui dépasse de très loin les basses considérations humaines que sont les systèmes économiques et politiques ; la lutte pour le vivant.

Fabrice Bourquenoud, militant de la grève du climat Fribourg, Etudiant en biologie et science de l’environnement

Des Revendications pour l’avenir


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La Grève pour l’Avenir doit-elle porter des revendications concrètes en vue du 15 mai 2020 et au-delà? Assurément. Mais pour quelles raisons? Quel genre de revendications? Comment? Et surtout, quelles revendications précisément?

Le mouvement de la Grève du Climat a maintenant plus d’un an. Lancé de manière très émotionnelle et spontanée, il a au fil des mois gagné en maturité, et affiné ses revendications. Revenons sur le développement de ces revendications et sur leur nécessaire renforcement.

La première revendication exige la reconnaissance de «l’urgence climatique» par les institutions étatiques. La seconde fixe pour objectif une neutralité des émissions de gaz à effet de serre («zéro net») d’ici 2030 en Suisse, sans recourir à des technologies de compensation, avec décroissance des émissions dès 2020. La troisième revendication concerne le principe de «justice climatique», dont la définition adoptée en congrès veut globalement dire que nous refusons des mesures anti-sociales. Ces revendications sont suivies d’un addendum : si elles ne peuvent être atteintes au sein du «système» existant, il faut changer de système.

Après une année d’existence du mouvement, force est de constater que ces revendications restent imprécises. La première (urgence climatique) n’introduit rien de concret. La seconde (zéro net) ne fait aucune proposition concernant les moyens de réduire les émissions. La troisième (justice climatique) manque de clarté et, malgré une définition adoptée au consensus sur le plan national, suscite encore de nombreux débats quant à ses implications pratiques. Enfin, l’addendum du «changement de système» ne nous dit absolument rien sur la nature dudit «système».

Initialement, ces imprécisions découlent de la volonté du mouvement d’éviter des positionnements clivants, d’autant plus que nous n’avions pas les ressources permettant de proposer des «solutions» directes face à l’urgence climatique. En pratique, les groupes régionaux en ont souvent décidé autrement: dans le canton de Neuchâtel, des motions populaires ont été lancées et acceptées aux niveaux cantonal et communal [1]; dans le canton de Vaud, un Plan Climat de plusieurs dizaines de pages a été élaboré de manière participative [2], etc.

Ce besoin d’esquisser des pistes d’action plus précises se renforce à mesure que le mouvement gagne en maturité politique. La définition de revendications et mesures concrètes est d’ailleurs un aspect central de la Grève pour l’Avenir, prévue le 15 mai prochain. L’enjeu est à la fois de permettre des actions de grèves licites, soutenues par les syndicats, tout en favorisant l’auto-organisation de la population travailleuse qui sera amenée à formuler des revendications qui concernent directement les gens, en fonction du secteur ou de l’entreprise. Cet article se propose d’examiner la pertinence de revendications concrètes, en distinguant revendications licites et générales d’une part, transversales, sectorielles et d’entreprise d’autre part et de présenter quelques idées de revendications.

L’un des objectifs de la Grève pour l’Avenir est d’étendre la grève aux lieux de travail ou, a minima, d’impliquer les salarié.e.s dans le mouvement climatique, avec l’appui des syndicats. Mais de quel genre de revendications parle-t-on ? Il y en a de plusieurs sortes. Opposons tout d’abord revendications licites et idéales.

Pour qu’une grève soit licite et ne mette pas en danger les salarié.e.s, elle doit se baser sur des revendications liées aux conditions de travail. Il s’agit de formuler des demandes concrètes et précises que nous essayerons néanmoins de relier aux enjeux climatiques et environnementaux. C’est une priorité absolue, pour nous et pour les syndicats, en vue du 15 mai. Ainsi, les salarié.e.s pourraient réclamer l’arrêt de l’emploi d’un produit toxique en paysagisme, des congés payés en cas de forte chaleur sur les chantiers, etc.

En plus des demandes liées aux conditions de travail, indispensables pour légitimer la grève, les travailleuses et travailleurs pourraient formuler des revendications plus larges et transversales : contrôle démocratique de la production et des services, nationalisation des instituts financiers, état d’urgence climatique impliquant que l’État revoie son budget, etc. Ces enjeux semblent moins immédiats, mais ils sont centraux pour esquisser un horizon désirable pour la population majoritaire.

On peut distinguer différents types de revendications selon le niveau auquel elles opèrent. Elles peuvent concerner une entreprise ou un établissement (cantine végétalienne, masques contre les produits toxiques, recyclage accru…) ; un secteur d’activité (normes appliquées à toute une branche, financement par le patronat de formations continues permettant de se réorienter, etc.) ; voire toucher toute la société (stopper l’importation de produits interdits à la vente en Suisse, réduction du temps de travail, impôts sur les bénéfices des grandes entreprises pour financer des mesures écologiques, etc.).

Dans le mouvement vers la Grève pour l’Avenir, nous devons donc établir des revendications spécifiques à chaque secteur ou entreprise, afin de rendre licites les actions de grève. Mais nous devons aussi ouvrir des perspective d’action politiques pour répondre à l’urgence climatique (qui est aussi une urgence sociale !), sans quoi les travailleuses et travailleurs risquent de faire les frais, à la fois des problèmes environnementaux et des mesures prises par les gouvernements pour gérer une situation qui les dépasse.

En effet, après un an de mobilisations pro-climat, l’immobilisme des institutions politiques est effrayant. On est en droit de craindre que la «vague verte» ne changera pas grand-chose à cette apathie ambiante. Pouvons-nous dès lors espérer éviter le «scénario du pire», dans lequel les émissions continuent de croître de façon dramatique, engendrant une catastrophe globale à peine imaginable, et justifiant en retour le développement de pouvoirs autoritaires pour gérer la situation ? Il est en tout cas crucial d’impliquer la population dans ces réflexions afin que les gens s’approprient l’action politique en partant de leurs expériences personnelles, notamment sur le lieu de travail, pour que la transition serve les intérêts de la majorité sociale et non celle des dirigeant.e.s politiques, des grandes entreprises et du secteur financier.

Alors comment élaborer ces multiples revendications? Pour l’heure, la Grève du Climat définit ses revendications lors de ses congrès nationaux. Ceci n’empêche pas les groupes régionaux de définir des exigences supplémentaires s’appliquant localement. Notre mouvement a par ailleurs décidé que les revendications concrètes pour le 15 mai devaient être définies régionalement, avant tout par les salarié.e.s concerné.e.s. Ceci n’empêche pas qu’un groupe de travail légitimé par une plénière du cinquième congrès national travaille sur un manifeste national. La stratégie actuelle, qui semble adaptée au fédéralisme suisse et aux particularités régionales en termes syndicaux, sociaux, etc., consiste donc en une conception décentralisée et autonome de revendications licites – mais de facto également de revendications plus générales, émanant des groupes locaux de la Grève du Climat, des syndicats, des collectifs pour la Grève féministe…

Cette décentralisation peut accroître le risque de tensions au niveau national, certaines revendications pouvant ne pas être compatibles entre elles. Cela peut aussi brouiller quelque peu le message porté par un mouvement hétérogène, qui se veut néanmoins uni. L’aspect décentralisé a pourtant de nombreux avantages. Les collectifs locaux s’insèrent dans un contexte que les personnes impliquées connaissent bien. Les revendications et les actions s’adaptent aux possibilités locales, en fonction du degré de combativité et d’implantation des syndicats. Il est essentiel d’éviter au mieux la répression patronale et de permettre aux salarié.e.s de se mettre en mouvement en fonction de leurs motivations propres, de leur degré de conscientisation, de leurs préoccupations immédiates. Cela permet d’impliquer des personnes qui connaissent mieux que quiconque leur environnement de travail, les conditions de production et tout ce que cela peut impliquer sur le plan social, sanitaire ou écologique. En définitive, nous pensons que c’est un chemin raisonnable vers une appropriation progressive du combat environnemental par la population, indispensable pour concrétiser un jour notre mot d’ordre de justice climatique et avancer vers une transition écologique réelle, démocratique et socialement juste.

Pour toutes ces raisons, il est sensé de laisser une forte autonomie locale, à la fois dans le cadre de notre mouvement et de la Grève pour l’Avenir. Mais ça ne doit aucunement empêcher l’élaboration de revendications pouvant, par la suite, être soutenues par le mouvement national de la Grève du Climat, voire par un front écologiste plus large.

Voici maintenant quelques exemples de revendications pour alimenter de futurs débats. Une demande intéressante circule actuellement dans certains milieux écologistes, féministes et syndicaux : la réduction du temps de travail, sans perte de salaire. En effet, réduire notre impact environnemental implique, à terme, de réduire la production globale de marchandises, en supprimant certaines productions jugées inutiles. Produire moins permettrait d’alléger la charge de travail et dans certains cas de réduire les déplacements professionnels. Cela serait évidemment un gain pour les salarié.e.s en termes de qualité de vie, plus de temps étant disponible pour d’autres activités : repos, loisir, autoproduction (jardinage, cuisine, etc.). Cela serait aussi bénéfique pour la santé, réduisant les risques de maladies et accidents au travail. Enfin, plus de temps libre permet davantage d’engagement dans les domaines associatifs et politiques, autorisant ainsi un approfondissement de la démocratie – aspect absolument essentiel dans l’optique de la justice climatique et sociale.
Une autre proposition prometteuse est la gratuité des transports en commun afin de diminuer fortement la motorisation individuelle et les émissions qu’elle produit, réduire le bétonnage en mettant fin à l’élargissement des routes, etc. Tout ceci sans que la liberté de circulation ne devienne un privilège.

Quim Puig. Militant écosocialiste.
Robin Augsburger. Civiliste, bachelor en biologie et ethnologie.

[1] Grève du Climat – Canton de Neuchâtel, Textes des motions populaires lancées par le mouvement et commentaires [page web], https://neuchatel.climatestrike.ch/motions-populaires / 09.01.2020

[2] Grève du Climat – Canton de Vaud, Visions, objectifs, principes et mesures pour un climat, des écosystèmes et un futur réellement durables, 2019 [disponible à l’adresse http://planclimat.org/ / 09.01.2020

Petits Gestes et grand Impact


Le texte original en français

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Mais qui suis-je pour critiquer? Un bobo populiste complétement à côté des réalités du terrain. J’écris des pavés destinés à sécréter verbalement sur la classe dirigeante. Mais je fais quoi, concrètement, dans ma maison de fils de riche?

Pourquoi je crache sur nos institutions, alors qu’on a la chance inouïe d’avoir des représentant.e.s soucieux.ses de la question environnementale? Des petits gestes, iels en font chaque jour. Dernièrement, iels ont même recyclé le Conseil fédéral! Et moi?! Je passe mon temps sur mon cellulaire à collectionner plus de flammes sur Snapchat qu’il n’y en a dans toute l’Amazonie. Mais quelle est ma contribution réelle à la transition écologique? Pourquoi je me réserve le droit de pestiférer dans mon confort, alors qu’au même moment, d’honnêtes gens se contraignent à voyager sans climatisation dans leur jet privé pour préserver notre planète?

Trêve de fariboles douteuses sur les petits gestes. Il y a des gens qui dans la vie de tous les jours se salissent vraiment les mains pour le climat. L’avantage du geste individuel demeure qu’il ne casse pas les reins aux autres avec une morale bien-pensante. Tout le monde peut en faire à son échelle et dans tous les domaines (alimentation, transport, logement, vêtements…).

J’ai essayé de m’y mettre aussi. Cependant, dans une société de l’abondance, il en faut de la volonté pour se priver de tout ce confort! Les Starbucks, les McDo, la Ferrari que je voulais pour Noël à cinq ans, le week-end à Amsterdam en avion… Dur de réprimer tous ces faux besoins générés par la publicité quand j’apprends que pendant ce temps, la BNS a claqué près de sept milliards (soit l’équivalent de tout ce que je vais gagner durant mes 10’000 premières vies) dans les énergies fossiles en 2019, que le président du premier parti de Suisse – élu au Conseil national – préside également depuis 2016 le lobby du mazout et autres combustibles SwissOil, que le parlement refuse d’élire une conseillère fédérale verte sous prétexte que le conseiller fédéral sortant représente une minorité linguistique. Faudra-t-il donc attendre que les ours polaires parlent italien et lombard pour que leur sort soit considéré avec attention par certain.e.s élu.e.s?

J’admire trop le courage de ces gens qui sacrifient du temps, de la patience et de l’énergie en faveur de l’écosystème pour accepter de voir leurs efforts devenir poudre de perlimpimpin. Je pourrais passer du côté obscur de la force et étrangler tou.te.s les banquier.ère.s. Mais comme le fait qu’iels respirent ne me gène pas, contrairement au fait qu’iels investissent dans une voie dangereusement incertaine, je vais plutôt rester du côté lumineux et mettre en lumière le rôle de celleux qui «gueulent» dans la lutte climatique.

Au lieu d’écrire cet article, j’aurais pu boire, manger ou dormir comme n’importe quel.le procrastinateur.rice lambda. Les militant.e.s d’Extinction Rébellion préféreraient sûrement rester chez elleux que jouer les Che Guevara et les Rosa Parks sur les routes principales et Greta serait sans doute ravie de ne plus devoir réprimander des chefs d’état septuagénaires lors de chaque sommet international et de retourner enfin à l’école sereinement. Cette même école qui s’emploie à nous apprendre le présent et l’imparfait afin de nous préparer au futur pour lutter contre les injustices. Or, l’injustice est présente. Celle de gros morceaux de l’économie mondiale qui se mouchent dans leurs milliards grâce aux énergies fossiles et qui pour se justifier rejettent la responsabilité sur des individus, qui dans bien des cas ont difficilement les moyens d’adapter leur comportement à l’urgence environnementale.

Voilà pourquoi je critique. Pour me faire entendre afin que toutes ces petites mains qui s’activent chaque jour à prendre soin de notre environnement ne soient plus amputées par le long bras du néo-libéralisme et de sa mainmise sur le monde. On ne fera rien en un claquement de doigt, mais se tourner les pouces ne risque en aucun cas d’apporter un changement majeur.

Dr. Nils Jost, Anthropologue, reptilien, chanteur de reggae, philosophe et jet-seteur réputé pour n’exercer aucune de ces activités 19 ans (soustrayez 13 pour l’âge mental) Célibataire