Réaliser nos espoirs au niveau local


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En ces temps d’incertitudes, il est vital de montrer qu’il y a de l’espoir. En revenant à un niveau local, une véritable démocratie directe ou un système agricole construit par la collectivité peuvent être mis en place et ainsi enfin servir celle-ci.

Les problèmes et les crises actuels, en particulier la crise climatique, pourraient avoir de graves répercussions sur la planète et les êtres qui la peuplent. Les systèmes sociétaux et économiques dans lesquels nous sommes né.e.s et vivons actuellement ne donnent pas un cadre suffisant pour mener une vie consciente, libre et autodéterminée. De plus, ils ne sont clairement pas aptes à résoudre ces problèmes de manière durable. Que nous l’ayons voulu ou non, nous n’avons pas pu co-construire ces systèmes, ou seulement dans une mesure limitée. Il ne suffit pas seulement de les comprendre et de les critiquer, mais il est judicieux de faire un pas de plus et d’agir en développant des systèmes alternatifs de fonctionnement global de la société et dans différents domaines de celle-ci. En réponse aux problèmes sociaux et écologiques, un changement conséquent, de fond, est dès lors nécessaire.

L’alternative systémique par définition est un microsystème créé en dehors du système. Le but n’est pas obligatoirement révolutionnaire, mais une alternative ne peut pas être réellement alternative sans être en rupture avec un certain système. Ainsi, un modèle alternatif est d’essence contestataire et peut donc se baser en total opposition au système en créant quelque chose qui ne ressemble justement pas à ce dernier.

En revenant à un niveau local, il est possible de contester et court-circuiter ces systèmes toxiques en réorganisant les structures sociales, humaines et économiques proches des gens. Les processus de réflexions et de décisions concernant ces structures sont, localement, plus facilement appréhendables par les personnes concernées. Ces dernières ressentent directement les conséquences de leurs décisions et peuvent ainsi comprendre l’importance de vouloir se réapproprier collectivement et librement le pouvoir. En se basant sur ces réflexions, nous avons choisi d’explorer deux champs possibles d’alternatives à un niveau local : une alternative politique citoyenne et une alternative agricole.

Alternative politique citoyenne

La volonté de mettre en place une autre forme d’organisation sociale au niveau local a un objectif concret : celui de dissoudre l’incompréhension englobant aujourd’hui le terme “politique” et d’en redéfinir la signification réelle. Les questions sociales qui concernent toute la population devraient être abordées au niveau communal, par des processus de discussions et de prises de décisions incluant la population. Cela contraste avec la situation actuelle, où la plupart des réflexions et décisions politiques sont basées sur des décisions préalables prises à distance et réglementées par une bureaucratie qui ne peut pas être tenue responsable.

Le niveau local permet notamment de revenir à un aspect fondamental de la démocratie que l’on néglige dans le système actuel : les processus de délibération et de débat. La proximité géographique et humaine permet de se familiariser avec les autres acteur.rice.s du contexte dans lequel nous vivons, avec leurs intérêts et besoins et de trouver une solution commune. Lors d’un débat, il est possible de mettre à l’épreuve ses propres opinions et arguments. Les réflexions menant à de nouvelles et meilleures prises de positions peuvent être favorisées par de nouvelles connaissances et de nouveaux aspects apportés au débat. Le principal avantage de ce système local est que, finalement, le pouvoir décisionnel revient aux personnes touchées par ces décisions.

Concrètement, ce système pourrait fonctionner sur la base d’un processus consensuel avec des assemblées générales, des débats et des groupes de travail composés d’expert.e.s et des acteur.rice.s concerné.e.s. Dans certains cas, des confédérations régionales devraient être constituées avec des délégué.e.s élu.e.s venant des différentes communautés et pourvu.e.s de mandats spécifiques. Grâce aux principes d’inclusivité et de transparence, le processus serait véritablement entre les mains des citoyen.ne.s.

Alternative agricole

Il subsiste toujours une rupture entre le monde agricole et le reste de la société. En revenant à un niveau local et en augmentant le nombre d’actif.ve.s du secteur primaire, il est possible de diminuer ce fossé. Il est ainsi plus facile de retrouver une proximité géographique et humaine ainsi que de rendre des produits de bonne qualité accessibles à tou.te.s. Les différent.e.s acteur.rice.s peuvent également facilement renforcer et multiplier les liens entre elleux et promouvoir le partage d’outils et de connaissances.

Le modèle agricole industrielle productiviste mondialisé a fait son temps et a aujourd’hui largement prouvé ses nombreux travers et incohérences morales. L’effondrement de la biodiversité que nous connaissons actuellement est un réel problème. La mise en place de pratiques agricoles fondamentalement respectueuses de l’environnement et se passant des énergies fossiles est vitale. Il va falloir réduire drastiquement l’utilisation de produits phytosanitaires et assurer la promotion de la biodiversité dans les pratiques agricoles. Cela n’est concrètement possible qu’en réduisant la taille des fermes, en abandonnant la monoculture et l’élevage intensif et en employant plus de bras.

Pour permettre la mise en place d’alternatives de ce type, un premier pas important à faire est celui de réfléchir à la place qu’a actuellement l’agriculture dans nos vies. C’est en cultivant et en élevant des animaux que nous pouvons nous nourrir; comment a-t-on pu autant éloigné une activité aussi primordiale que la production de nos aliments de nos quotidiens ? Nous avons, dans la plupart des pays occidentaux, adopté un mode de vie hors-sol et il va désormais falloir réapprendre à produire sa nourriture. D’où l’importance de faire fleurir ça et là des micro-fermes agroécologiques productives à la campagne ou en ville, autogérées ou participatives, etc. C’est une manière de se réapproprier la terre et ses produits et surtout de repenser le lien qu’entretiennent les êtres humains par rapport à elle.

Passons au concret

Une alternative s’accompagne, dans tous les domaines, d’un retour aux fondamentaux. Ainsi, pour qu’une alternative locale fonctionne, la communauté doit avoir tous les outils en main et s’inspirer de la complexité et la résilience des écosystèmes; respectivement pour nos deux exemples. D’un point de vue stratégique, la mise en place d’alternatives concrètes et efficaces fait entièrement partie d’une vision de changement de système, qu’il soit révolutionnaire ou plus lent. Il est nécessaire de montrer qu’autre chose existe pour attiser et pérenniser l’espoir militant.

Paula Rouiller, 18, militante et étudiante

Oliviero Reusser, 22, militant

Analyse d’un mouvement historique


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Comment un mouvement atteint-il ses buts ? Cette question reste sans réponse. Mais nous pouvons nous inspirer de mouvements précédents en analysant leur évolution et leurs stratégies. Prenons en exemple le mouvement serbe Otpor. 

Otpor naît en 1998. A cette époque, la Serbie fait partie de la République Fédérale de Yougoslavie, touchée par les Guerres de Yougoslavie, débutées par le président Milosevic suite à la déclaration d’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. Milosevic est rapidement accusé de nombreux faits : crime de guerre en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, génocide et corruption. Suite à ces actes, différent.e.s acteur.ice.s se sont rendu compte de la situation et de la gravité d’avoir au pouvoir un homme tel que Milosevic. 

En 1998, Marjanovic fait passer un texte de lois polémique : “The University Law”, entravant l’autonomie de l’université de Belgrade. Et suite à cela, le mouvement populaire Otpor se forme en octobre 1998. Il est à ses débuts principalement composé de jeunes du parti démocrate, d’acteur.ice.s de certaines ONG actives en Serbie et d’étudiant.e.s des deux universités publiques de Belgrade.

La première revendication du groupe est la démission du doyen de l’université de Belgrade, accusé de relayer la politique répressive du régime. Par la suite, la première action d’Otpor attire l’attention. Quatre étudiants activistes peignent des poings noirs sur les murs de l’université. Suite à leur arrestation, ils sont condamnés à dix ans de prison. Cette sentence ne passe pas inaperçue aux yeux du public, qui la considère inappropriée. Après la révocation du doyen, le mouvement se propage dans l’ensemble du pays. Première victoire!

Les premières actions d’Otpor sont de type contestataire et ont pour but d’attirer l’attention. Les activistes partent par exemple dans la nuit « décorer » les murs de la ville de Belgrade de slogans tape-à-l’œil. Par la suite, leur méthode d’action se peaufine. Elle se base sur trois principes : l’unité d’action, qui se base sur une structure horizontale, assure l’égalité entre les activistes et donne l’image d’un organisme uni face au président serbe ; la discipline non-violente qui donne une image relativement positive au mouvement permettant d’élargir le champs de recrutement des membres et l’organisation des évènements se fait plus facilement ; une planification anticipée et efficace est un des points forts du mouvement.

La Déclaration sur l’avenir de la Serbie permet en premier lieu aux membres de se renseigner sur les méthodes à utiliser, sur les problèmes à résoudre et les buts à atteindre. La cohésion entre les membres est donc assurée et l’identité et les buts du mouvement – la démocratisation de la Serbie et renversement du gouvernement de Milosevic – sont clairement définis pour tou.te.s.

C’est grâce aux piliers présentés ci-dessous que les différentes stratégies du mouvement ont pu se développer :

Otpor adopte une approche offensive débutée par des actions symboliques, pour capter le regard de la population. Cette approche offensive correspond à l’organisation d’actions directes. Les activistes parviennent à mettre en place ces actions en définissant les différentes tâches à distribuer au niveau national, en mettant en place un plan d’action afin d’élargir le spectre des opposant.e.s au régime et en prenant en compte les propositions stratégiques des soutiens étrangers tout en gardant la possibilité d’adapter ces tactiques à leur situation. Grâce à cette méthode et en multipliant le nombre d’actions concrètes et claires, les acteur.trice.s serbes éparpillé.e.s se regroupent et se coordonnent face à la politique de Milosevic. Otpor fait comprendre à la population qu’un changement de pouvoir est inévitable.

Otpor a compris que la force est dans nombre et que la victoire contre Milosevic n’est possible que si ses opposant.e.s restent uni.e.s. Voilà pourquoi le mouvement veut premièrement collaborer avec un large éventail d’acteur.trice.s. En plus, afin d’élargir ses propres rangs, Otpor met en place des campagnes de popularisation, notamment celle de 1999 durant laquelle iels représentent sur des affiches des acteurs serbes connus avec le poing levé. La force était dans le nombre.

Otpor a notamment profité des élections présidentielles de 2000 en Serbie. La stratégie de ses membres peut se diviser en trois parties. De un, iels mettent à profit cette décrédibilisation du gouvernement de Milosevic pour mobiliser les citoyen.ne.s serbes. Par la suite, iels incitent la jeunesse serbe à voter. Cela reprend leur vision de force dans l’unité, l’opposition à Milosevic ne peut pas être divisée. Et pour finir, Otpor s’est assuré de mettre en évidence les erreurs majeures de la politique de Milosevic pour éviter de les réitérer dans les futures campagnes électorales.

Otpor a aussi beaucoup travaillé son image. D’un côté le mouvement offre une image positive afin d’amplifier le recrutement d’activistes et d’avoir le soutien de la population. Il se positionne en tant que victime face à l’autorité politique. Il la ridiculise même grâce à la discipline non-violente, comme le dit C. Miller [1] : « Ainsi, lorsque les enfants étaient arrêtés dans ces petites villes […], les gens savaient bien que les enfants du voisinage n’étaient pas des terroristes ». Avec cette image positive, Otpor peut offrir à la population l’image d’un mouvement fructueux. De plus, le mouvement met en place une campagne « négative » dans laquelle l’humour est utilisé pour souligner l’absurdité du régime. Cela permet de détendre l’atmosphère au sein du mouvement.

Le mouvement souhaite également développer un soutien externe. Otpor comprend un large panel d’individus hétéroclites et il a également obtenu le soutien de groupes et organisations externes au mouvement. Il est ici question de développement et d’ouverture. En effet, certaines victoires stratégiques d’Otpor ont été possibles grâce à l’aide d’acteur.trice.s extérieur.e.s, par exemple avec l’aide financière non négligeable des États-Unis ou encore avec la sollicitation d’institutions de sondage ainsi que d’agences de communication nationales et occidentales afin de parfaire leur communication (distribution de tracts, autocollants).

La stratégie de communication, fut surtout utilisée lors des élections. La première campagne consistait à faire comprendre au reste de la population que le changement de gouvernement est inévitable par des manifestations populaires. Ensuite, une deuxième campagne incitait la jeunesse à voter.

Le mouvement réussit à atteindre ses buts. Milosevic est renversé le 5 octobre 2000 avec son régime suite aux élections présidentielles, et la démocratisation de la Serbie débute lors de l’élection de Kostunica, du parti d’Opposition démocratique de Serbie. Mais quelles stratégies sont les plus efficaces?

En premier lieu, le fait de définir clairement les buts d’Otpor est un élément majeur. Non seulement le mouvement montre à la population sa volonté, mais aussi son évolution et ses avancées. Ensuite, Otpor réussit à partager au sein du mouvement les mêmes valeurs pour tou.te.s : unité, tolérance et non-violence. Cela permet de poser certaines règles. De plus, le fonctionnement du mouvement serbe se base sur la planification des actions et sur la répartition des différentes tâches, et toutes ces actions ont un but précis. Finalement, le mouvement s’inscrit dans la culture mainstream serbe pour le bien de sa popularité.

Suite aux élections en 2000, les actions et les membres du mouvement ont diminués. Otpor se donne tout de même comme rôle de surveiller la politique, et en particulier d’empêcher toute corruption. Après l’annonce des élections parlementaires du 23 décembre 2003, Otpor devient un parti politique le 19 novembre 2003, sans officiellement nommer quelqu’un à sa tête. Mais lors des élections, le parti politique n’obtient pas le minimum nécessaire de 5 % pour entrer au parlement. En 2004, Otpor prend fin et se fond entièrement au sein du Parti Démocratique serbe. Certain.e.s ont vu cela comme un échec pour le mouvement.

En plus de son rôle vital dans la chute de Milosevic, Otpor est également devenu une inspiration pour les autres mouvements jeunes en Europe de l’Est. En effet, les membres d’Otpor, formé.e.s en résistance civile, ont pu à leur tour former les membres de différents mouvements dans les pays voisins. Otpor s’inscrit aussi dans l’organisation et la planification de certaines révolutions du Printemps Arabe, par exemple en apportant son aide aux mouvements jeunes en Egypte.

Otpor est stratégique, efficace, clair, ouvert, non-violent et uni. Sa trajectoire est globalement positive et réussie. Même des années plus tard, ses activistes sont encore une inspiration pour d’autres. Et certaines questions restent sans réponses absolues : qu’en est-il de la fin d’Otpor et de sa transformation politique? Que faut-il penser du soutien financier des États-Unis? Comment laisser derrière soi un tel héritage et transmettre son savoir? 

Mila Frey, activiste

Colère et Affect


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Dans l’imaginaire commun et dans une parti de la philosophie, les affects ne sont pas politique, voir dangereuse. Pourtant, des penseurs comme Spinoza, Lordon ou encore Mouffe ont mis en évidence leurs rôles dans la lutte sociale et l’activisme politique.

Dans la conception commune, la politique et les affects sont antagonistes. Depuis la grèce antique à nos jours, il ne faut de la raison, encore de la raison et toujours de la raison et la société est sauvée. Ce discours, que l’on le retrouve parfois dans le mouvement social, a beau être hégémonique et prendre comme habit la vérité, il n’est pourtant pas si exact, on peut me dire qu’il est faux.
Il y a un autre discours, plus sournois, plus flatteur pour le coeur mais aussi plus dangereux, est celui prêché par les psychologues positivistes et les économistes du bonheur: Celui que seul les affects positifs sont nécessaires et reléguant la colère, la tristesse et les autres affects négatifs, au mieux, à de l’errance, au pire à de l’anomalie.  Il est nécessaire, pour qu’une mobilisation de masse se produisent, de déconstruire avec méthode ces positions.

Avant de commencer, il est nécessaire de comprendre et de définir les objets et les concepts dont l’on parle. Premièrement qu’est-ce qu’un affect? Je ne ferais pas ici de définition complexe et me contenterait de définir affect de la manière suivante: Un affect est une sensation qui affect le corps et l’esprit. Ceci étant dit, je vais pouvoir poser le postulat suivant: La raison n’existe que par détermination par un affect. Je comprendrais si des lecteurs arrivant ici se trouve choqué par ce postulat, pourtant, cela n’est pas une proposition nouvelle puisqu’elle apparaît déjà sous Spinoza et quel n’est pas dépourvu de fondement car, depuis un certain temps maintenant, la psychologie à montrer que notre capacité de jugement venait de nos affects et que, sans eux, on ne pourrait tout simplement pas prendre un rendez-vous ou on miserait l’ensemble de notre fortune sur une roulette de façon complètement aléatoire. Accepté cela amène à deux réflexions: Premièrement, que comme nous ne jugeons les choses que par nos affects, la politique n’est affaire et n’est que affect. Deuxièmement, que pour convaincre et mettre en mouvement une multitude il faut obligatoirement utilisez les affects de cette multitude.Certains s’interrogeront surement sur la raison de l’écriture de cette article, à son utilité dans le combat climatique et plus précisément comme stratégie. C’est très simple. Il m’a pu remarquer que, pour diverses raisons et sous différentes formes, que les militants de la cause climatique ont fait souvent les mauvais choix dans cet aspect

D’abord, il y a un certain nombres d’écologiste, d’hier et d’aujourd’hui, ont tenu comme principal discours qu’on peut qualifier sous l’appellation globale de “scientifique” ou de “technocratique” en espérant que celui-ci, par sa justesse, mette en mouvement les corps collectifs pour faire face à la catastrophe qui arrive. “On ne pleure pas devant les chiffres” disait l’Abbé Pierre avec une certain justesse. Car oui, on ne peut pas convaincre sans se servir de façon massive les affects, surtout dans le domaine politique et de la lutte et s’obstiner sur cette voix est ce condamné à l’impuissance. Pour reprendre une phrase écrire précédemment, la politique n’est affaire et n’est que affect.

Nous ne pouvons, si nous voulons être réellement efficient, avoir sur le monde avoir un réel impact, nous passer des affects et cela nous amène naturellement à nous s’interroger à savoir lequel de ces affects nous devons utiliser.
Les thunbergiens préconise la peur. Je considère ce choix comme inadéquat voir dangereux et je le développerais par le syllogisme suivant: La peur est l’affect de la fuite. Pour résoudre la crise climate, il nous faudra lutter contre un système. Donc, si nous voulons résoudre la crise climatique, il ne faut pas fuir. De plus, je ferais remarquer que les populiste de droite se servent de la peur aussi comme un moteur pour gagner en puissance, car, comme un enfant qui se cache derrière un de ses parents, un peuple en état de peur peut chercher à se réfugier derrière un leader autoritaire qui a l’apparence de la puissance nécessaire pour vaincre ce qui crée l’effroie, ce qui peut être une technique si on considère que seul une dictature verte est apte à faire face à la catastrophe qui vient, mais c’est partir sur un présupposé qui est hautement audacieux.

Une autre erreur serait de croire les bardes de la positivité car nous nous condamnons à l’impuissance puisque qu’il n’existe qu’un affect positif fondamental qui est la joie et qui ne s’exprime que lorsqu’il y a satisfaction. Or, comme pour la peur, on ne mène pas une lutte lorsque la situation nous satisfait. On ne manifeste pas collectivement quand nous sommes heureux du monde. On ne s’attaque pas à des institutions lorsqu’on a au ventre la joie et l’allégresse. Non, il n’y a qu’un affect qui peut et qui doit être utilisé si on veut réussir à vaincre la crise climatique, c’est la colère et pour une raison simple: La colère est l’affect que nous mobilisons lorsque nous voulons que notre corps se serve de sa puissance pour détruire l’objet de notre colère. Et les exemples historiques le montre, les révolutions ont toujours été des instants de colère, parfois très précise. La commune de Paris, en 1871, commence avec l’indignation de la capitulation face à la Prusse et la tentative de reprise des canons nationaux. La Révolution française de 1789 se fait dans un climat de rage contre les privilèges des nobles et du clergé. En Mai 68 et actuellement dans les insurrections qui éclate dans le monde, on peut lire la colère sur les visages, les banderoles et les slogans. Alors bien sur, la colère seul ne suffit pas, j’en suis le premier conscient. Il faut, avant toutes choses, réfléchir sur les raisons, les causes, l’origine de notre colère pour éviter d’attaquer les autres effets au risque d’être aussi inefficace que ceux qui espère voir refleurir leurs arbres en coupant les branches alors que ce sont les racines qui sont pourris ou la terre qui est devenue toxique. Et puis, il nous faut aussi préparer la suite, planifier et proposer de façon la plus précise et complète possible ce qui remplacera ce que nous aurons détruira et qui comblera notre désir qui est une société idéal sans pour autant se raconter des histoire sur les contradictions qui apparaîtra dans l’application.

Pour finir, j’ai dis qu’il fallait nous servir des affects, je préciserais qu’il faut le faire selon les modalités particulières de notre contexte socioculturel et donc faire tel que la catégorie spécifique dont l’essence même est de travailler avec les affects pour transmettre ou non un message: l’Art. En bref, cessons d’être scientifique, mais soyons artiste.

Maxence Kolly, Membre de la Grève du climat Fribourg et socialiste néo-républicain

Ce que nous faisons ici n’a jamais été aussi important


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Traduction en français

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L’odeur de mon thé au gingembre fumant emplit mon nez. Je serre la tasse chaude de mes doigts tremblants et je laisse glisser mon regard vers l’extérieur. Un brouillard épais traîne dans les rues, enveloppe les lampadaires et les arbres, avale les chats errants. Des nuages denses traversent les ruelles, je n’arrive à reconnaître que les contours d’une passante pressée. Je plisse les yeux, plus fort, toujours plus fort, mais en fait je suis heureuse que les rides sillonnant les fronts de ces visages stressés ne parviennent pas à se graver dans ma mémoire. Je presse mon nez contre la vitre glacée, inspire et expire profondément. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Comme le chat avalé par le brouillard, je suis aspiré par mes propres pensées. Celles-ci tournent en rond, encore et encore elles tournent en rond.

Les gros titres du jour, sécheresses et tornades, feux de forêt ardents et famines, me submergent, tout comme ceux d’hier et la peur de ceux de demain.

Je me sens impuissante. Depuis des mois, j’essaye de toutes mes forces de me libérer d’une structure embrouillée et de prendre avec moi autant de personnes que possible. Mais j’ai parfois l’impression que mes parents, mes voisin.e.s et mes ami.e.s ne m’écoutent même pas, comme s’iels n’avaient aucun intérêt à s’aider soi-même et à aider le reste du monde. Avec 42 gigatonnes de CO2 par année, nous fonçons à toute vitesse vers un abîme, et personne ne semble vouloir – ou pouvoir –  réduire l’allure. Ça me détruit quand je remarque que les humains se laissent mener par les normes et les modèles de la société et par les manipulations des puissantes grandes entreprises et institutions financières, comme moi par mon jeu de pensée. Iels se sentent attaqué.e.s personnellement quand j’essaye désespérément de me faire entendre. Pourquoi pensent-iels que je veux leur enlever, leur nier quelque chose ou les trahir ?

Je plonge mon regard dans la grisaille confuse à l’extérieur. Je me souviens de Sisyphe, qui doit éternellement pousser un rocher au sommet d’une montagne et dont la pierre retombe à chaque fois dans la vallée juste avant qu’il n’atteigne le sommet. A chaque impact sur le sol, le rocher emporte des gens dans la pauvreté, leur prend des terres, l’eau, la fertilité, leur pays. Il leur prend l’espoir d’une vie juste, là en bas, au pied de la montagne, au Sud. Je me sens responsable de retenir le bloc, de le hisser vers le haut de toutes mes forces. Mais les arêtes et les pointes de mon fardeau ne cessent de meurtrir mes mains, jusqu’à ce que ma douleur crie plus fort que mon utopie.

Je plonge mon regard dans la grisaille confuse à l’extérieur. Je me souviens des visages déterminés qui se sont défendus coude à coude face à la politique injuste et destructrice des avides. Les paroles dénigrantes résonnent encore dans mes oreilles, les expressions de visage interrogatives et les regards compatissants, moqueurs quand je raconte de mon activisme, me font frissonner. Est-ce que je produis aussi quelque chose de sérieux dans ma vie, me demandent-iels. Iels demandent comment on peut seulement passer la journée entière à se battre pour le climat. Je suis obligée de me repérer dans ce système qui mène droit dans le mur. Je ne peux pas et ne veux pas être marginalisée, éliminée. Et je sais à quel point je suis privilégiée. Ça ne rend pas la chose plus facile. Si j’échoue, j’ai le sentiment que ça ne tient qu’à moi. Si je suis confuse et désorientée, que je n’arrive pas à m’extraire de mon lit, alors je pense que c’est uniquement et entièrement de ma faute. Je pourrais être tellement libre, mais je ne peux pas. Je pense aux masques indifférents de celleux qui n’ont fait qu’observer le cortège de la manifestation depuis le bord de la route et qui ont vite sorti leur portable pour un nouveau post sur leur profil Instagram. Mon coeur devient lourd. Il bat à grands intervalles, sourd et résigné.

Je sirote mon thé. La chaleur me brûle les lèvres. Je sursaute. Je lâche un juron. Ensuite je lève mon regard. Sur ma langue, le goût brûlant du gingembre cède à la douceur du sirop de dattes. D’un coup, les images de frustration sont remplacées par des impressions de force et d’esprit de lutte. Devant mes yeux apparaît la lueur euphorique dans les yeux des petits enfants qui sautillent entre des immenses banderoles et pancartes en carton. Iels dansent à pied nus sur des mélodies fortes qui résonnent depuis les immenses haut-parleurs – on entend des rêves de révolution. Le courage me submerge. Le courage et le puissant sentiment qu’aucune déception, aucune défaite, aucune détresse ni aucun désespoir ne suffira jamais pour m’empêcher de continuer à me battre et de défendre ma vision d’un monde meilleur. Je veux vivre ce sentiment de communauté qui me saisit quand nous rêvons de visions vertes et que nous brandissons des drapeaux rouges. Quand nous préparons des manifestations et des actions jusque tard dans la nuit, que nous élaborons des plans et menons des discussions intenses. Je veux faire partie des gens qui savent qu’iels font la bonne chose. Je veux me sentir appartenir à celleux qui renversent les puissants de leur trône – les puissants qui surfent sur la vague de la richesse et acceptent toute perte en contrepartie. Ce que nous faisons ici n’a jamais été aussi important. Si pas maintenant, quand ? Si pas nous, qui ?

Une dame âgée, se promenant avec une canne, passe devant ma fenêtre. Un sourire satisfait marque ses lèvres. Je n’ai pas besoin de plisser mes yeux pour remarquer qu’un autocollant familier décore une manche de sa veste. C’est écrit : « Make Love, Not CO2 ».

Leonie Traber, 18 ans, activiste pour le climat, membre de la JS

Mouvement!


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Traduction en français

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Après les premiers succès partiels obtenus l’année dernière, on se demande comment réussir à ce que ce mouvement puisse persister sur le long-terme. Nous ne pourrons arriver au changement tant nécessaire que tous ensemble!

Nous avons sans aucun doute réalisé beaucoup de choses au cours de la dernière année. Pour la première fois, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour le climat de manière régulière. Le climat est devenu le sujet principal du discours politique que personne ne peut éviter, et les élections montrent un changement dans l’opinion publique.

Mais particulièrement la COP25 à Madrid (le sommet de l’ONU sur le climat en décembre dernier) a montré que nous sommes encore infiniment loin d’atteindre nos objectifs. Malheureusement, les 14 jours de conférence n’ont guère produit de résultats dignes de ce nom.

Il y a peu de signes que la conférence qui se tiendra l’année prochaine pourra être à la hauteur de son objectif initial. La tendance actuelle n’indique pas de diminutions des émissions mondiales de gaz à effet de serre dans un avenir proche. La crise climatique met l’humanité à sa plus grande épreuve jamais vue auparavant. Elle pose la question fondamentale de savoir comment nous voulons, en tant que société, vivre ensemble, mais nous n’avons toujours pas le courage d’affronter cette question de manière honnête et rationnelle. Jusqu’à présent, de véritables succès ne se sont pas concrétisés ; au plus tard cette année, nos émissions de gaz à effet de serre devraient commencer à diminuer, mais la tendance est à l’inverse. Le gros du travail reste donc devant nous. Nous devons supposer que l’on a encore besoin de nous en tant que mouvement pour le climat pendant plusieurs années à venir. Non seulement cela, mais nos efforts devraient s’intensifier considérablement afin que nous puissions réellement limiter une catastrophe climatique et la sixième extinction massive, déjà en cours.

Le mouvement « grève du climat » a été initié par une poignée de personnes il y a un an et il est toujours soutenu par un nombre assez gérable d’écoliers et d’étudiant(e)s principalement. Par un petit nombre de personnes qui interrompent partiellement leur éducation et qui passent leur temps à organiser des manifestations, à faire du travail médiatique et à maintenir ce mouvement en vie à la place. À l’avenir, cet engagement devrait être réparti sur beaucoup plus d’épaules. Nous devons tous nous demander comment nous voulons continuer à vivre sur cette planète. Tu devras aussi te demander comment tu voudras participer au changement parce que cela te concerne, toi, les gens qui t’entourent et les générations à venir.

Un grand changement durable résulte du fait que toi et les gens autour de toi, vous vous organisez et essayez de faire ensemble quelque chose contre la crise climatique. Vous pouvez le faire en sachant que beaucoup d’autres personnes le font aussi, vous n’êtes pas seul. L’accumulation de nombreux groupes de personnes petits et grands organisés qui veulent changer fondamentalement cette société ensemble, pourront réussir la transformation de cette société.

Ceci en le commençant localement dans votre communauté ou votre quartier. Revenons encore une fois sur un an en arrière : presque personne n’aurait pensé qu’un an plus tard, juste avant les élections, une manifestation sur le climat avec 100’000 personnes aurait lieu. Ou que cela serait suivi d’un glissement de terrain au sein du Conseil national – un tel changement ne s’est pas produit depuis des décennies. Ces événements ne viennent pas de nulle part. Un groupe de personnes est capable de créer ensemble quelque chose que les individus n’auraient jamais créé seuls. C’est plus que l’accumulation d’actions individuelles ; en tant que groupe qui veut changer quelque chose, nous pouvons nous surpasser, parce que par l’inspiration mutuelle et la force qui en résulte, nous nous donnons les moyens de créer ensemble un monde meilleur. Moi, toi, nous tous devrons nous organiser dans nos communautés, dans nos quartiers, sur notre lieu de travail ou à l’école, afin de construire la société que nous voulons : écologique, sociale et durable.

C’est pourquoi c’est aussi à toi de t’impliquer et de faire du réseautage ; d’ajouter ta pièce au puzzle, de l’agrandir ou de convaincre les autres d’ajouter la leur. Ensemble, nous pouvons créer une nouvelle image de cette société. Cela dépend de toi et de tous les autres lecteurs de ce magazine de savoir si nous aurons le souffle nécessaire pour ce voyage. Maintenant, plus précisément : Comment peux-tu t’impliquer ? Va donc sur https://grevepourlavenir.ch/ (en allemand le site strikeforfuture.ch/join/lokalgruppe-grunden/strikeforfuture.ch/xyz) et découvre comment tu peux former ou rejoindre un collectif local pour la grève du 15 mai. Implique-toi dans les structures des groupes régionaux de la grève du climat (https://climatestrike.ch/fr/regionalgruppen/XYZ). Concernant comment rentrer dans le mouvement, il faudra que tu restes un peu persévérant, car nous ne sommes pas encore assez bien organisés pour rendre les choses aussi faciles que nous le souhaiterions. Mais nous sommes toutefois dépendants de toi ! Nous ne savons pas encore où le chemin nous mènera. Mais observer et attendre n’est plus une option, c’est à toi spécifiquement de définir la direction de ce mouvement et de contribuer au changement vers une société écologique, durable et sociale. Il n’y a plus aucune de raison et plus de temps pour hésiter davantage. Nous-mêmes sommes ceux que nous attendions. Saisissons cette occasion unique avant qu’elle ne passe.

Fanny, 18 ans, actuellement militante à plein temps.

De la nature et de l’utilité de la grève


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Le mot grève est dans toutes les bouches en Suisse. Deux mouvements s’en revendiquant, l’un féministe et l’autre écologiste, ont en effet popularisé ce terme. Mais qu’est-ce qu’une grève?

Une grève est une cessation de l’activité économique par des travailleuses et travailleurs opposé.e.s au patronat. C’est un conflit dans lequel chaque partie a des intérêts différents. Elle peut revêtir des formes multiples et être menée de front avec d’autres actions (manifestation, sabotage, action institutionnelle ou en justice, négociation…). Elle vise à garantir les droits des salarié.e.s ou à en obtenir de nouveaux. Elle peut servir des intérêts très spécifiques (une disposition propre à une entreprise) ou très larges (des progrès sociaux touchant l’ensemble de la société).

Les conflits de travail existent depuis longtemps. Depuis la spécialisation du travail, les dominé.e.s ont toujours connu des phases de lutte contre les dominant.e.s. Ces conflits ont pu prendre de nombreuses formes. Au XIXe siècle, les mouvement ouvrier et socialiste ont revendiqué diverses formes de lutte contre le patronat [1], dont la grève. Mode d’action important voire central, il a traversé les décennies et reste un outil puissant, même en Suisse.

De nombreux exemples le montrent: la grève est efficace! En France, des grèves et occupations d’usines ont permis d’obtenir en 1936 les congés payés, en 1968 un relèvement général des salaires. Plus récemment en Suisse, des grèves ont eu un succès indéniable [2], malgré une répression patronale intense, une protection juridique des salarié.e.s ridicule (l’OIT dénonce la Suisse pour cela) et des entraves procédurières au droit de grève. Ainsi, dans le secteur de la construction, le gros oeuvre a obtenu la retraite anticipée à 60 ans! La grève n’est pas qu’un moyen de défense, mais aussi un outil offensif efficace.

Pour qu’une grève soit licite en Suisse, il faut qu’elle porte sur la relation entre patronat et salarié.e.s; respecte la paix du travail si elle est inscrite dans une CCT; soit une solution de dernier recours. Elle peut être spontanée ou le plus souvent organisée en amont, généralement par un syndicat. La cessation d’activité peut durer quelques heures ou des jours. Les salarié.e.s n’étant pas payé.e.s, des fonds de grève prennent la relève. Si les secrétaires payé.e.s par la plupart des syndicats jouent un rôle central, iels appliquent un mandat conféré par les grévistes. C’est une lutte collective, qui crée des liens forts entre grévistes et instaure une culture de solidarité. Mais elle est difficile à mener, et il est rare que toutes les revendications soient exaucées. Néanmoins, de très nombreux exemples montrent son efficacité (pour réduire le nombre de licenciements, relever les salaires, obtenir une retraite anticipée…). Il faut pour qu’elle réussisse une cohésion parmi les grévistes, mais aussi des fonds de grève pour les soutenir, ainsi que des appuis externes. Il est rare qu’aucun des objectifs fixés par les grévistes ne soit atteint.

Notre mouvement a débuté ses actions par des grèves étudiantes. Atypique, notre mode d’action n’est pour autant ni novateur ni isolé. Dans notre cas, la grève a été sauvage ou presque (sans planification syndicale), parfois spontanée (des grévistes décidant de cesser leur activité de formation – que l’on peut considérer comme du travail – le jour-même), et, selon la jurisprudence suisse, “politique” (quoique toute grève soit politique). Les premières grèves ont été un cri du cœur, dirigé vers les entreprises mais surtout vers l’Etat, avec une aspiration dépassant très largement les institutions de formation. Mais de plus en plus, notamment depuis que la justice climatique est une de nos revendications nationales, des liens se créent avec les syndicats (mais aussi les collectifs pour la grève féministe) et le mot d’ordre flou de grève générale se précise et se dote de structures, de buts, et de revendications de plus en plus concrètes. Le premier jalon vers une grève générale a été fixé: le 15 mai 2020.

Nous nous posons surtout la question de comment faire la grève. Mais le pourquoi est central. Si nous faisons grève, c’est que c’est un outil efficace socialement et politiquement. Le secteur économique est central dans la crise écologique, et fait partie intégrante du système politique. Toucher à la production, à la distribution et aux services, c’est toucher au cœur du pouvoir. Et donc ouvrir la voie à des changements conséquents dont nous avons besoin. La grève est un outil collectif, bien plus puissant que la plupart des actions individuelles. Elle permet aux salarié.e.s de lutter pour empêcher que les mesures visant à atténuer la crise environnementale soient anti-sociales.

Pour toucher les salarié.e.s, nous avons besoin des syndicats (mais nous devons aussi nous appuyer sur d’autres structures), de leurs moyens d’actions, fonds de grève et expérience. Nous devrions largement converger avec eux, et avec l’ensemble des forces progressistes.

L’après grève générale reste ouvert, et sera déterminé au fil de nos luttes. Mais il est fondamental de se poser la question: quel est le but d’une grève générale? Évidemment, poursuivre des buts écologistes et sociaux. Mais doit-elle servir, comme le préconisent certain.e.s, à un renversement du “vieux monde”, c’est-à-dire de la société de classes, de la société capitaliste dans son ensemble? Être un élément aidant ce but, poursuivi aussi par d’autres moyens? Servir à évincer les dirigeant.e.s des grandes entreprises et de l’État et viser à leur remplacement? Servir d’incitation au changement, sans bouleversement des structures économiques? Ces positions, et d’autres, existent au sein de notre mouvement. Je soulignerai que selon moi, il est impossible d’atteindre nos objectifs en gardant un système économique basé sur une croissance infinie alors que nos ressources sont finies. J’irai même jusqu’à réclamer l’abolition du triptyque capital-État-nation [3]. Mais à chacun.e d’y réfléchir.

Que faire alors? La question ne sera résolue que dans l’action.
Alors tou.te.s en grève le 15 mai 2020!

Robin Augsburger, civiliste, bachelor en biologie et ethnologie. Actif dans les domaines de l’écologie, de la migration et du syndicalisme étudiant

Références

[1] POUGET Emile, Le Sabotage, 1911, disponible à l’adresse https://infokiosques.net/IMG/pdf/Le_sabotage_-_Emile_Pouget.pdf

[2] ALLEVA Vania, RIEGER Andreas (éd.), Grèves au 21e siècle, Rotpunktverlag, 2017, Zürich

[3] KARATANI Kojin, Structure de l’histoire du monde, CNRS Éditions, 2018, Paris

Écologie et anticapitalisme: un mariage heureux?


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Partout, des mouvements écologistes émergent et s’accordent sur le constat du changement climatique. Mais une question les déchire: « capitalisme » peut-il s’écrire en vert?

«L’espèce humaine est en guerre contre la nature» déclarait Antonió Guterres quelques jours avant l’ouverture de la COP25. En effet, le changement climatique est d’une simplicité biblique: chaque molécule de gaz à effet de serre réchauffe un peu plus l’atmosphère. Cette guerre est donc une course contre la montre. Le problème ne fait qu’empirer et la marche du temps nous rapproche du moment fatidique où nous aurons dépassé le budget carbone.

Pour certain.e.s, c’est le dogme capitaliste qui provoque cette situation. Il est donc nécessaire, selon elleux, de combattre celui-ci. Pour d’autres, le problème est surtout technique et c’est donc la technologie qui le résoudra. J’ai longtemps fait partie du premier groupe, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi je ne défends plus aucune de ces deux positions.

Selon moi, une erreur commune chez les personnes qui combattent le capitalisme est de penser que celui-ci est conçu pour atteindre je ne sais quel but. Ce n’est pas le cas. Le capitalisme n’est absolument pas réfléchi pour atteindre un objectif. Son organisation se contente de favoriser la compétition avec pour seule limite l’État pseudo-démocratique dont le rôle est d’éviter que cette anarchie économique ne s’autodétruise. Pourquoi ne pas se servir de cet état de fait?
En effet, ce sont les contraintes appliquées au marché qui rendent un produit plus concurrentiel qu’un autre. Une manière d’agir peut donc consister à cibler les entreprises qui gagneraient des parts de marché avec un durcissement d’une contrainte écologiste.

Un exemple concret : les centrales électriques à gaz émettent environ 490g de CO2/kWh contre environ 1000g pour celles au charbon. Une taxe carbone augmente donc le prix de ces deux types d’énergie. Cependant, celui du gaz croît deux fois moins que celui du charbon. Les entreprises gazières ont donc intérêt à demander une augmentation de la taxe carbone afin que le gaz devienne compétitif. C’est ce qu’a remarqué le think tank The Shift Project qui a convaincu le PDG de Total, entreprise pétro-gazière française, de militer pour une augmentation de la taxe carbone. C’est ainsi qu’un marchand d’énergies fossiles s’est mis à appuyer de toute la force de son lobby sur la commission européenne pour augmenter la taxe carbone. Et c’est aussi ainsi que le prix du carbone en Europe est passé de 4,79€ la tonne en 2013 à plus de 25€ actuellement.

Certes, cette action n’est pas suffisante, mais elle montre bien comment un mouvement organisé peut se servir de la compétition pour atteindre des objectifs écologistes. Devenons les maîtres d’orchestres du requiem du libéralisme. Pourquoi ne pas choisir des lobbys triés sur le volet avec lesquels nous ferions temporairement alliance? Certes, ce genre de changement stratégique représente un virage à 180°, mais la remise en question n’est-elle pas la marque de l’intelligence? Après tout, n’est-ce pas historiquement l’alliance des blocs communistes et capitalistes qui, dans une lutte commune, ont pu renverser le fascisme en Europe?
Dans cette course contre la montre, nous ne disposons pas du luxe d’un changement de système avant qu’il ne soit trop tard. Là où la nature est bien plus cruelle que l’économie, c’est que ses règles ne sont ni négociables, ni transgressables, ni combattables. Une fois notre budget carbone épuisé, nous avons perdu. Ni plus, ni moins.

C’est donc dans ce contexte que notre combat s’inscrit. Pour chaque action, nous devons nous demander non seulement si elle est pertinente, mais en plus si elle s’inscrit dans une stratégie globale compatible avec la préservation de l’environnement dans le temps imparti. C’est d’ailleurs la base de la critique décroissante: toute action doit être pensée dans les limites du monde, et parfois ces limites nous commandent des actions auxquelles nous sommes réticent.e.s. C’est exactement cela la décroissance; la réduction de notre capacité à agir sur le monde.
Quand à moi qui suis un fervent anticapitaliste, je me console par la phrase d’Yves Cochet : «Ça n’est pas la lutte des classes qui viendra à bout du capitalisme mais la géologie». Ne perdons pas notre énergie à combattre un système voué à disparaître dans les années ou, au plus, les décennies à venir. Concentrons nos forces sur la construction d’un après, mais surtout, concentrons nos luttes sur un combat qui dépasse de très loin les basses considérations humaines que sont les systèmes économiques et politiques ; la lutte pour le vivant.

Fabrice Bourquenoud, militant de la grève du climat Fribourg, Etudiant en biologie et science de l’environnement

Des Revendications pour l’avenir


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La Grève pour l’Avenir doit-elle porter des revendications concrètes en vue du 15 mai 2020 et au-delà? Assurément. Mais pour quelles raisons? Quel genre de revendications? Comment? Et surtout, quelles revendications précisément?

Le mouvement de la Grève du Climat a maintenant plus d’un an. Lancé de manière très émotionnelle et spontanée, il a au fil des mois gagné en maturité, et affiné ses revendications. Revenons sur le développement de ces revendications et sur leur nécessaire renforcement.

La première revendication exige la reconnaissance de «l’urgence climatique» par les institutions étatiques. La seconde fixe pour objectif une neutralité des émissions de gaz à effet de serre («zéro net») d’ici 2030 en Suisse, sans recourir à des technologies de compensation, avec décroissance des émissions dès 2020. La troisième revendication concerne le principe de «justice climatique», dont la définition adoptée en congrès veut globalement dire que nous refusons des mesures anti-sociales. Ces revendications sont suivies d’un addendum : si elles ne peuvent être atteintes au sein du «système» existant, il faut changer de système.

Après une année d’existence du mouvement, force est de constater que ces revendications restent imprécises. La première (urgence climatique) n’introduit rien de concret. La seconde (zéro net) ne fait aucune proposition concernant les moyens de réduire les émissions. La troisième (justice climatique) manque de clarté et, malgré une définition adoptée au consensus sur le plan national, suscite encore de nombreux débats quant à ses implications pratiques. Enfin, l’addendum du «changement de système» ne nous dit absolument rien sur la nature dudit «système».

Initialement, ces imprécisions découlent de la volonté du mouvement d’éviter des positionnements clivants, d’autant plus que nous n’avions pas les ressources permettant de proposer des «solutions» directes face à l’urgence climatique. En pratique, les groupes régionaux en ont souvent décidé autrement: dans le canton de Neuchâtel, des motions populaires ont été lancées et acceptées aux niveaux cantonal et communal [1]; dans le canton de Vaud, un Plan Climat de plusieurs dizaines de pages a été élaboré de manière participative [2], etc.

Ce besoin d’esquisser des pistes d’action plus précises se renforce à mesure que le mouvement gagne en maturité politique. La définition de revendications et mesures concrètes est d’ailleurs un aspect central de la Grève pour l’Avenir, prévue le 15 mai prochain. L’enjeu est à la fois de permettre des actions de grèves licites, soutenues par les syndicats, tout en favorisant l’auto-organisation de la population travailleuse qui sera amenée à formuler des revendications qui concernent directement les gens, en fonction du secteur ou de l’entreprise. Cet article se propose d’examiner la pertinence de revendications concrètes, en distinguant revendications licites et générales d’une part, transversales, sectorielles et d’entreprise d’autre part et de présenter quelques idées de revendications.

L’un des objectifs de la Grève pour l’Avenir est d’étendre la grève aux lieux de travail ou, a minima, d’impliquer les salarié.e.s dans le mouvement climatique, avec l’appui des syndicats. Mais de quel genre de revendications parle-t-on ? Il y en a de plusieurs sortes. Opposons tout d’abord revendications licites et idéales.

Pour qu’une grève soit licite et ne mette pas en danger les salarié.e.s, elle doit se baser sur des revendications liées aux conditions de travail. Il s’agit de formuler des demandes concrètes et précises que nous essayerons néanmoins de relier aux enjeux climatiques et environnementaux. C’est une priorité absolue, pour nous et pour les syndicats, en vue du 15 mai. Ainsi, les salarié.e.s pourraient réclamer l’arrêt de l’emploi d’un produit toxique en paysagisme, des congés payés en cas de forte chaleur sur les chantiers, etc.

En plus des demandes liées aux conditions de travail, indispensables pour légitimer la grève, les travailleuses et travailleurs pourraient formuler des revendications plus larges et transversales : contrôle démocratique de la production et des services, nationalisation des instituts financiers, état d’urgence climatique impliquant que l’État revoie son budget, etc. Ces enjeux semblent moins immédiats, mais ils sont centraux pour esquisser un horizon désirable pour la population majoritaire.

On peut distinguer différents types de revendications selon le niveau auquel elles opèrent. Elles peuvent concerner une entreprise ou un établissement (cantine végétalienne, masques contre les produits toxiques, recyclage accru…) ; un secteur d’activité (normes appliquées à toute une branche, financement par le patronat de formations continues permettant de se réorienter, etc.) ; voire toucher toute la société (stopper l’importation de produits interdits à la vente en Suisse, réduction du temps de travail, impôts sur les bénéfices des grandes entreprises pour financer des mesures écologiques, etc.).

Dans le mouvement vers la Grève pour l’Avenir, nous devons donc établir des revendications spécifiques à chaque secteur ou entreprise, afin de rendre licites les actions de grève. Mais nous devons aussi ouvrir des perspective d’action politiques pour répondre à l’urgence climatique (qui est aussi une urgence sociale !), sans quoi les travailleuses et travailleurs risquent de faire les frais, à la fois des problèmes environnementaux et des mesures prises par les gouvernements pour gérer une situation qui les dépasse.

En effet, après un an de mobilisations pro-climat, l’immobilisme des institutions politiques est effrayant. On est en droit de craindre que la «vague verte» ne changera pas grand-chose à cette apathie ambiante. Pouvons-nous dès lors espérer éviter le «scénario du pire», dans lequel les émissions continuent de croître de façon dramatique, engendrant une catastrophe globale à peine imaginable, et justifiant en retour le développement de pouvoirs autoritaires pour gérer la situation ? Il est en tout cas crucial d’impliquer la population dans ces réflexions afin que les gens s’approprient l’action politique en partant de leurs expériences personnelles, notamment sur le lieu de travail, pour que la transition serve les intérêts de la majorité sociale et non celle des dirigeant.e.s politiques, des grandes entreprises et du secteur financier.

Alors comment élaborer ces multiples revendications? Pour l’heure, la Grève du Climat définit ses revendications lors de ses congrès nationaux. Ceci n’empêche pas les groupes régionaux de définir des exigences supplémentaires s’appliquant localement. Notre mouvement a par ailleurs décidé que les revendications concrètes pour le 15 mai devaient être définies régionalement, avant tout par les salarié.e.s concerné.e.s. Ceci n’empêche pas qu’un groupe de travail légitimé par une plénière du cinquième congrès national travaille sur un manifeste national. La stratégie actuelle, qui semble adaptée au fédéralisme suisse et aux particularités régionales en termes syndicaux, sociaux, etc., consiste donc en une conception décentralisée et autonome de revendications licites – mais de facto également de revendications plus générales, émanant des groupes locaux de la Grève du Climat, des syndicats, des collectifs pour la Grève féministe…

Cette décentralisation peut accroître le risque de tensions au niveau national, certaines revendications pouvant ne pas être compatibles entre elles. Cela peut aussi brouiller quelque peu le message porté par un mouvement hétérogène, qui se veut néanmoins uni. L’aspect décentralisé a pourtant de nombreux avantages. Les collectifs locaux s’insèrent dans un contexte que les personnes impliquées connaissent bien. Les revendications et les actions s’adaptent aux possibilités locales, en fonction du degré de combativité et d’implantation des syndicats. Il est essentiel d’éviter au mieux la répression patronale et de permettre aux salarié.e.s de se mettre en mouvement en fonction de leurs motivations propres, de leur degré de conscientisation, de leurs préoccupations immédiates. Cela permet d’impliquer des personnes qui connaissent mieux que quiconque leur environnement de travail, les conditions de production et tout ce que cela peut impliquer sur le plan social, sanitaire ou écologique. En définitive, nous pensons que c’est un chemin raisonnable vers une appropriation progressive du combat environnemental par la population, indispensable pour concrétiser un jour notre mot d’ordre de justice climatique et avancer vers une transition écologique réelle, démocratique et socialement juste.

Pour toutes ces raisons, il est sensé de laisser une forte autonomie locale, à la fois dans le cadre de notre mouvement et de la Grève pour l’Avenir. Mais ça ne doit aucunement empêcher l’élaboration de revendications pouvant, par la suite, être soutenues par le mouvement national de la Grève du Climat, voire par un front écologiste plus large.

Voici maintenant quelques exemples de revendications pour alimenter de futurs débats. Une demande intéressante circule actuellement dans certains milieux écologistes, féministes et syndicaux : la réduction du temps de travail, sans perte de salaire. En effet, réduire notre impact environnemental implique, à terme, de réduire la production globale de marchandises, en supprimant certaines productions jugées inutiles. Produire moins permettrait d’alléger la charge de travail et dans certains cas de réduire les déplacements professionnels. Cela serait évidemment un gain pour les salarié.e.s en termes de qualité de vie, plus de temps étant disponible pour d’autres activités : repos, loisir, autoproduction (jardinage, cuisine, etc.). Cela serait aussi bénéfique pour la santé, réduisant les risques de maladies et accidents au travail. Enfin, plus de temps libre permet davantage d’engagement dans les domaines associatifs et politiques, autorisant ainsi un approfondissement de la démocratie – aspect absolument essentiel dans l’optique de la justice climatique et sociale.
Une autre proposition prometteuse est la gratuité des transports en commun afin de diminuer fortement la motorisation individuelle et les émissions qu’elle produit, réduire le bétonnage en mettant fin à l’élargissement des routes, etc. Tout ceci sans que la liberté de circulation ne devienne un privilège.

Quim Puig. Militant écosocialiste.
Robin Augsburger. Civiliste, bachelor en biologie et ethnologie.

[1] Grève du Climat – Canton de Neuchâtel, Textes des motions populaires lancées par le mouvement et commentaires [page web], https://neuchatel.climatestrike.ch/motions-populaires / 09.01.2020

[2] Grève du Climat – Canton de Vaud, Visions, objectifs, principes et mesures pour un climat, des écosystèmes et un futur réellement durables, 2019 [disponible à l’adresse http://planclimat.org/ / 09.01.2020

Petits Gestes et grand Impact


Le texte original en français

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Mais qui suis-je pour critiquer? Un bobo populiste complétement à côté des réalités du terrain. J’écris des pavés destinés à sécréter verbalement sur la classe dirigeante. Mais je fais quoi, concrètement, dans ma maison de fils de riche?

Pourquoi je crache sur nos institutions, alors qu’on a la chance inouïe d’avoir des représentant.e.s soucieux.ses de la question environnementale? Des petits gestes, iels en font chaque jour. Dernièrement, iels ont même recyclé le Conseil fédéral! Et moi?! Je passe mon temps sur mon cellulaire à collectionner plus de flammes sur Snapchat qu’il n’y en a dans toute l’Amazonie. Mais quelle est ma contribution réelle à la transition écologique? Pourquoi je me réserve le droit de pestiférer dans mon confort, alors qu’au même moment, d’honnêtes gens se contraignent à voyager sans climatisation dans leur jet privé pour préserver notre planète?

Trêve de fariboles douteuses sur les petits gestes. Il y a des gens qui dans la vie de tous les jours se salissent vraiment les mains pour le climat. L’avantage du geste individuel demeure qu’il ne casse pas les reins aux autres avec une morale bien-pensante. Tout le monde peut en faire à son échelle et dans tous les domaines (alimentation, transport, logement, vêtements…).

J’ai essayé de m’y mettre aussi. Cependant, dans une société de l’abondance, il en faut de la volonté pour se priver de tout ce confort! Les Starbucks, les McDo, la Ferrari que je voulais pour Noël à cinq ans, le week-end à Amsterdam en avion… Dur de réprimer tous ces faux besoins générés par la publicité quand j’apprends que pendant ce temps, la BNS a claqué près de sept milliards (soit l’équivalent de tout ce que je vais gagner durant mes 10’000 premières vies) dans les énergies fossiles en 2019, que le président du premier parti de Suisse – élu au Conseil national – préside également depuis 2016 le lobby du mazout et autres combustibles SwissOil, que le parlement refuse d’élire une conseillère fédérale verte sous prétexte que le conseiller fédéral sortant représente une minorité linguistique. Faudra-t-il donc attendre que les ours polaires parlent italien et lombard pour que leur sort soit considéré avec attention par certain.e.s élu.e.s?

J’admire trop le courage de ces gens qui sacrifient du temps, de la patience et de l’énergie en faveur de l’écosystème pour accepter de voir leurs efforts devenir poudre de perlimpimpin. Je pourrais passer du côté obscur de la force et étrangler tou.te.s les banquier.ère.s. Mais comme le fait qu’iels respirent ne me gène pas, contrairement au fait qu’iels investissent dans une voie dangereusement incertaine, je vais plutôt rester du côté lumineux et mettre en lumière le rôle de celleux qui «gueulent» dans la lutte climatique.

Au lieu d’écrire cet article, j’aurais pu boire, manger ou dormir comme n’importe quel.le procrastinateur.rice lambda. Les militant.e.s d’Extinction Rébellion préféreraient sûrement rester chez elleux que jouer les Che Guevara et les Rosa Parks sur les routes principales et Greta serait sans doute ravie de ne plus devoir réprimander des chefs d’état septuagénaires lors de chaque sommet international et de retourner enfin à l’école sereinement. Cette même école qui s’emploie à nous apprendre le présent et l’imparfait afin de nous préparer au futur pour lutter contre les injustices. Or, l’injustice est présente. Celle de gros morceaux de l’économie mondiale qui se mouchent dans leurs milliards grâce aux énergies fossiles et qui pour se justifier rejettent la responsabilité sur des individus, qui dans bien des cas ont difficilement les moyens d’adapter leur comportement à l’urgence environnementale.

Voilà pourquoi je critique. Pour me faire entendre afin que toutes ces petites mains qui s’activent chaque jour à prendre soin de notre environnement ne soient plus amputées par le long bras du néo-libéralisme et de sa mainmise sur le monde. On ne fera rien en un claquement de doigt, mais se tourner les pouces ne risque en aucun cas d’apporter un changement majeur.

Dr. Nils Jost, Anthropologue, reptilien, chanteur de reggae, philosophe et jet-seteur réputé pour n’exercer aucune de ces activités 19 ans (soustrayez 13 pour l’âge mental) Célibataire

Radical, pas libéral


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Traduction en français

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Occupation de banques, honte de prendre l’avion, zéro déchets, anticapitalisme – les représentations de la protection du climat sont nombreuses. « L’essentiel est que quelque chose soit fait pour le climat. » Loin s’en faut ! Cet article explique pourquoi les approches libérales sont toujours les mauvaises et pourquoi le principe de consensus empêche des mesures de protection du climat radicales et donc durables.

Le mouvement de la Grève du Climat a véritablement dominé le débat public l’année passée. L’immense résonnance dans la société s’est montrée à la manifestation pour le climat le 28 septembre à Berne, où 100’000 personnes ont exigé haut et fort une politique climatique progressiste et juste. Et c’est largement notre mouvement qui a permis le basculement historique des électeur.trice.s en direction d’une politique verte lors des élections parlementaires nationales le 20 octobre 2019.

La vague verte a profité notamment au parti vert’libéral (PVL). Dans le Conseil National, il a plus que doublé ses sièges en passant de 7 à 16. Les partisqui portent le vert dans leur nom ont massivement augmenté leur force. Cela a donc aussi engendré une grande attente de la population large envers l’assemblée fédérale : maintenant, des mesures de protection du climat concrètes devaient enfin être prises.

Mais le PVL montre régulièrement de quel côté il se trouve vraiment. Pour le deuxième tour du Conseil des Etats en novembre, le canton de Zurich avait le choix entre la verte Marionna Schlatter et le libéral Ruedi Noser. Et en décembre la situation était semblable pour l’élection du Conseil Fédéral, où la verte Regula Rytz s’était présentée contre Ignazio Cassis comme réponse aux nouveaux rapports de pouvoir dans le parlement. Dans les deux cas, le PVL a décidé de laisser la liberté de vote et a ensuite voté les candidats PLR avec une grande majorité. L’incapacité à chaque fois de recommander les candidates vertes au vote montre le vrai visage du PVL : le profit vient toujours en premier lieu, aucune trace de vert en vue. Sauf peut-être sur les affiches électorales.

Aussi dans les affaires politiques courantes le PVL se contredit régulièrement du point de vue de l’écologie. Dans la session d’hiver 2019, la majorité du parti a accepté le financement de nouveaux avions de chasse avec un budget de 6 milliards de francs. Deux membres du parti l’ont même fait malgré leur promesse électorale de voter contre les avions de chasse. Le fait que les avions militaires sont très nocifs pour l’environnement aussi bien dans la production que dans l’utilisation n’est finalement pas la raison principale qui devrait déclencher une indignation absolue chez tou.te.s les électeur.trice.s du PVL. C’est plutôt l’implication militaire qu’entraîne l’achat de nouveaux avions de chasse. L’aggravation de la crise climatique et les pénuries de ressources qui en découlent vont mener à une augmentation des conflits. Dans cette interaction entre la protection du climat et la politique de sécurité, le PVL construit sur des dépenses totalement exagérées pour des avions de chasse de luxe au lieu d’investir dans la lutte contre la crise climatique. Car la protection du climat est très simple – et très peu onéreux – quand les problèmes écologiques et sociaux ne sont pas pensés ensemble et que le principe du pollueur-payeur, pourtant applicable sur des personnes privées, ne l’est pas sur les gouvernements, les banques et les grandes entreprises.

Paradoxe vert libéral

Le regroupement idéologique des intérêts écologiques et économiques comme le fait le PVL est pervers dans le sens où l’on peut, encore aujourd’hui, faire des bénéfices immenses avec des affaires nocives pour le climat. Les institutions financières suisses auraient arrêté depuis longtemps d’investir dans des opérations pétrolières sales si ce n’était pas rentable économiquement. Dans un système économique capitaliste qui soumet chaque centimètre carré de notre planète à la monétisation, qui transforme finalement l’humain en marchandise et qui considère la politique climatique comme un débouché lucratif pour des certificats d’émissions, aucune mesure de protection du climat ne peut contrer durablement les problèmes écologiques et sociaux prédominants.

Ce point est ardemment débattu depuis des mois. Un capitalisme vert est-il vraiment impossible ? Ne pouvons-nous pas continuer à accroître notre prospérité et en même temps « faire quelque chose pour l’environnement » ? Ces questions doivent, au plus tard avec le renforcement du PVL, être répondues haut et fort par un « non ». Le parti, qui revendique justement ce regroupement des intérêts écologiques et économiques, ne peut pas faire autrement que de prioriser encore et encore les ambitions financières pour ne pas nuire à l’économie. Finalement, le blocage nominal du PVL lors des élections zurichoises du Conseil des Etats et des élections nationales du Conseil Fédéral est une preuve suffisante que des mesures de protection du climat ne sont simplement pas possible sous une logique de profit capitaliste. A cause de ses contradictions intrinsèques, le PVL ne va pas atteindre quoi que ce soit qui se rapproche d’une politique climatique durable dans les quatre prochaines années. On est soit libéral, soit vert. 

Mais quel rapport tout cela a-t-il avec notre mouvement ? Après tout, il règne à l’interne de la Grève du Climat un large accord que la politique institutionnelle ne nous livre pas les solutions à la crise climatique. D’aucuns argumentront que le calcul politique du PVL peut donc nous laisser froid. Mais cela nous touche plus que ce qui peut sembler à première vue. La question de savoir si la protection du climat peut être atteinte durablement aussi avec des approches libérales occupe notre mouvement dès son premier jour.

Les solutions libérales ne peuvent pas faire partie de notre mouvement. La conviction que des mesures de l’économie de marché sont suffisantes pour surmonter la crise climatique favorise la structure qui est justement la cause de cette crise. Les entreprises « durables » et « sociales » satisfont un nouveau besoin du marché de produits et services économes en ressources, pendant que les consommateur.trice.s sensibilisé.e.s et critiques sont anesthésié.e.s avec une bonne conscience. Mais ainsi nous ne nous sortons pas des structures axées sur le bénéfice, plutôt nous continuons à y rester bloqué.e.s. Les ébauches de solutions néolibérales – qu’elles soient labellisées durable ou non – ne doivent pas avoir de place dans notre mouvement, étant donné que la création de nouveaux marchés comme prétendue solution nie le fait que des processus de négociation politiques sont nécessaires pour remédier aux problèmes actuels.

Le consensus met notre but en danger

Avec une pensée imprégnée de libéralisme, la Grève du Climat s’affaiblit donc elle-même en tant que mouvement politique. Plus précisément, elle s’affaiblit lorsque les structures internes du mouvement le permettent. Dans la Grève du Climat, cette condition est toutefois apportée par le consensus comme mode de décision: avec le consensus, notre mouvement fonctionne de manière à ce que même la plus infime minorité puisse bloquer les décisions. Et comme il y a encore et toujours des courants libéraux dans la Grève du Climat, les mesures de protection du climat progressistes et sociales sont en danger voire même impossibles à l’heure actuelle. 

Le principe du consensus se base sur le principe du plus petit dénominateur commun. L’existence du changement climatique est bien sûr incontestée dans notre mouvement. Tout comme le fait qu’il est causé par l’humain. Et aussi, que c’est surtout les pays du Nord qui provoquent la crise climatique. Mais si on va un peu plus loin que cela, il devient déjà plus difficile de mettre tout le monde d’accord. Dans quelle mesure les inégalités sociales systémiques jouent-elles un rôle dans la crise climatique ? La question écologique est-elle aussi une question sociale ? Où posons-nous les limites du système pour le principe du pollueur-payeur ? Quelles synergies et modes d’action utilisons-nous pour notre contestation politique ? Et où agissons-nous concrètement si nous voulons combattre la crise climatique?

Ces questions sont donc controversées à l’intérieur de notre mouvement. Avec le principe du consensus, cela a inévitablement comme conséquence que nous n’arrivons à nous mettre d’accord que sur les questions et débuts de solution fondamentales – le plus petit dénominateur commun. Mais ces questions-là se laissent traditionnellement aussi résoudre par une vision libérale du monde. Des mesures plus radicales – donc des mesures qui s’attaquent à la racine du problème – n’ont pas de place dans ce mode de décision, étant donné qu’elles ne trouvent pas de consensus à cause d’une minorité libérale. C’est pour cela qu’il est par exemple impossible à ce jour que la Grève du Climat se solidarise officiellement avec les causes de la Grève des Femmes*. L’article « Die Klimastreikbewegung kann nicht nur alleine kämpfen » dans la dernière édition (02/2019) démontre pourquoi cela devrait être absolument central. Mais la condition pour un lien entre ces deux luttes est que la question écologique pose aussi la question sociale. Mais, comme cela impliquerait au final de remettre en question notre système économique capitaliste, la minorité libérale de notre mouvement s’oppose avec succès à cette fusion des luttes depuis des mois.

Le principe du consensus est donc – tout contre son intention première – par essence anti-démocratique. L’idée de vouloir éviter structurellement la discrimination de la minorité par la majorité est pourtant louable sur le fond, mais quand des personnes isolées peuvent bloquer tout le fonctionnement de notre mouvement hétérogène, comment des mesures de protection du climat progressistes peuvent-elles encore être élaborées ?

Radicalisation collective

Avec cela se résorbe d’elle-même l’argumentation courante qui dit qu’il importe peu quelle direction est prise pour la protection du climat, sociale ou non, libérale ou non – tant que « quelque chose est fait pour le climat ». Sous le principe du consensus, c’est une manière d’argumenter qui est fondamentalement fausse et même dangereuse. Nous devons enfin nous comprendre comme un mouvement authentiquement politique et prendre des positions claires. La crise climatique est un problème de toute la société et c’est pour cela que la solution doit également être pensée pour l’ensemble de la société. Pour que nous puissions vraiment et efficacement contribuer à cette solution, nous avons besoin, en tant que mouvement collectif, une stratégie claire, politique et radicale – tou.te.s ensembles. Le premier pas à cela doit être l’abolition du principe du consensus. Car tant que nous nous paralysons nous-mêmes avec le fétichisme de l’horizontalité, qui veut prendre en compte toutes les opinions sans avoir de regard critique, nous ne trouverons pas de réponse radicale à la crise climatique.

Rahel G., 26, and géographe et activiste de la Grève du Climat